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de 25 et de 40 centimes actuellement perçus pour chaque jeu de cartes sont remplacés par un droit unique en principal, quel que soit le nombre des cartes, et quels que soient la forme et le dessin des figures. C’est encore un de ces monopoles en général peu justifiables, mais qui, pour les cartes comme pour le tabac, s’appuient sur des raisons plausibles. Il présente d’ailleurs quelques circonstances particulières. L’état a le monopole du papier servant à la fabrication, et ce n’est pas ce monopole qui est considéré comme productif, c’est le droit sur les cartes fabriquées. La fabrication elle-même est surveillée et réglementée. Un impôt qui rapporte environ 1,500,000 francs n’est pas méprisable, et il ne cause aucun préjudice. On le trouve au surplus dans la plupart des budgets, et il compte en France environ trois siècles d’existence. D’autres jeux sont atteints, mais indirectement : le billard par exemple, qui ajoute à la patente dans les cafés et débits de vin. La commission du budget a proposé avec raison d’étendre cet impôt. À partir du 1er octobre, un droit de 60 francs est établi sur les billards à Paris ; il va de 30 francs à 6 francs pour les autres villes, selon la population. L’idée de multiplier les impôts sur les jeux est une des plus chères aux partisans des impôts sur les consommations de luxe. Les dés furent imposés en Hollande, les quilles le sont à Brème, et le billard est assez fortement taxé à Brème, dans les cantons de Vaud et de Genève, etc.

Un fait est de nature à frapper. La France est un des pays les moins riches en impôts sur les consommations de luxe. Il n’y a guère que la Russie, l’Italie et l’Espagne qui en aient moins. Est-ce un bien ? est-ce un mal ? Cette circonstance que la fortune est chez nous morcelée suffit-elle à expliquer cette infériorité, que tend à maintenir une assez vive répugnance de la part de notre riche bourgeoisie ? Je constate le fait sans le commenter, et je vais en citer quelques preuves. L’impôt sur les domestiques est séculaire en Hollande ; il fut même très progressif selon le nombre à certaines époques. Le tarif néerlandais, cité par M. de Parieu, présente encore des catégories très variées ; la femme de chambre y figure pour un certain taux, le jardinier pour un autre. On trouve cette taxe établie tantôt temporairement, rarement d’une manière durable, en Prusse, en Suède, en Portugal, dans plusieurs cantons helvétiques. Elle subsiste en Angleterre depuis longtemps, et donnait en 1869 un revenu de 223,654 livres sterling (4,591,350 francs). Ce droit de 1 livre 1 shilling pour les domestiques au-dessus de dix-huit ans, et de 10 shillings 10 deniers pour ceux qui sont d’un âge inférieur, laisse d’ailleurs en dehors d’assez nombreuses catégories ; les domestiques nécessaires dans certaines professions sont