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frappent les débitans de boissons, et que fixe en les surélevant le nouveau budget. Ne nous apitoyons pas trop sur ces débitans ; les consommations du cabaret n’absorbent qu’une trop grosse part des salaires. Il faut avouer pourtant qu’ici tout est difficile. L’ouvrier qui consomme le vin en famille est souvent obligé de l’acheter au cabaret en détail. En outre le cabaretier frappé de nouveaux droits ne réussit que trop à se les faire rembourser par une passion qui ne connaît aucun frein. C’est moins le droit de l’état que son pouvoir qui se trouve resserré dans d’étroites bornes. Pour limiter cet abus, qui s’est si effroyablement répandu, comptons faiblement sur l’impôt, même en l’employant comme auxiliaire : c’est ici comme ailleurs à l’éducation de faire son œuvre moralisatrice, qu’accomplissent si difficilement les moyens de contrainte. Ce qui est encore vivement à souhaiter, c’est que les vins de luxe, à l’usage exclusif du riche, paient sensiblement plus que les vins communs consommés par la classe pauvre. Ce n’est pas la mauvaise volonté du législateur qu’il faut accuser, ce sont des difficultés de constatation. Ne sera-t-il pas possible d’en triompher et d’effacer cette uniformité de tarif qui porte le caractère d’une injustice véritable ?

J’arrive à d’autres surtaxes qui frappent des consommations dignes d’intérêt. Il est à souhaiter que les augmentations d’impôt qui pèsent sur le café, le thé, le chocolat, le sucre, n’aient pas un caractère durable. Sans doute ce sont à beaucoup d’égards des consommations d’agrément, mais ce sont aussi des consommations alimentaires, et l’usage modéré, n’eût-il même que l’agrément pour but, n’est pas sans de réels avantages hygiéniques. C’est ici surtout qu’il est à craindre que l’augmentation, qui est de 3 dixièmes pour le sucre, qui porte l’impôt à 200 francs pour 100 kilogrammes de thé venant des pays hors d’Europe, à 160 fr. pour les 100 kilog. de chocolat (surtaxe de 35 francs), à 150 ou à 170 francs pour les 100 kilog. de café, et même à 200 francs, s’il est torréfié ou moulu, sans préjudice du droit de 55 fr. sur les 100 kilog. de chicorée, n’agisse d’une façon ultra-restrictive, dommageable à la consommation. Il est vrai que les habitudes qui s’attachent à ces consommations sont très fortes, on l’a vu déjà pour quelques-unes lors du blocus continental sous le premier empire ; il faut le reconnaître pourtant, elles le sont moins que les habitudes vicieuses, et les consommateurs de thé ou de café arriveront plus facilement à se restreindre que les fumeurs de tabac et que les buveurs d’absinthe.

C’est un véritable impôt sur les consommations de luxe que celui que consacre l’article 30 relativement aux cartes à jouer. Les droits