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le sentiment de l’art, et par là ils différaient des prêtres modernes. La religion d’autrefois cependant, telle qu’elle était pratiquée non dans les colonies, mais dans les provinces où la race hellénique était pure, devait par bien des côtés ressembler à la religion d’aujourd’hui.

Si le Grec s’est toujours contenté des qualités de son clergé, il n’en a point été de même des Slaves. Les Russes, par exemple, ont gardé toutes les cérémonies et tous les dogmes de la religion orthodoxe, ils en ont modifié l’esprit. La charité, la prière, la pénitence, la justification par les œuvres, la prédication morale, ont chez eux une importance que les Hellènes ne soupçonnent pas. Les mêmes caractères se retrouvent, bien qu’à un moindre degré, chez le peuple serbe. Au XIIIe siècle, alors que la vallée de la Maritza était plus civilisée qu’aujourd’hui, les Bulgares firent un schisme qui était une protestation contre le formalisme byzantin, contre la piété tout extérieure. La lutte recommence en ce moment ; les Bulgares ne prétendent encore qu’à l’affranchissement de leur église, plus tard peut-être ils transformeront l’esprit même de la religion grecque. La Russie, qui parle la même langue que ce peuple, suit avec soin ce mouvement religieux. Quand les armées du tsar en 1829 vinrent dans le Balkan, elles ne trouvèrent pas, il est vrai, un allié très empressé dans les paysans, qui se bornèrent prudemment à des paroles de sympathie ; mais depuis cette date la Russie n’a cessé de s’occuper de ce pays. Elle en possède une carte excellente : longtemps tenue secrète, elle était achevée bien avant celle de Viquesnel, publiée seulement en 1854. En 1845, alors que personne ne songeait au bulgarisme, un agent russe ouvrait à Philippopolis, dans le consulat, la première école pour les Slaves orthodoxes de cette province. Les actes de ce genre sont ceux que les panslavistes aiment à répéter. Plus récemment, en 1867, des ingénieurs russes ont parcouru le pays et relevé les passages du Balkan, étudié le caractère des habitans, encouragé toutes leurs espérances. Dans la querelle devenue vive entre les Bulgares et le patriarche, le consul russe de Philippopolis a toujours été ouvertement pour les Bulgares. Ceux-ci, après beaucoup d’instances, ont obtenu des Grecs la possession d’une église ; ce n’a pas été sans des luttes sérieuses : plusieurs fois les deux communautés en sont venues aux coups de bâton. Aujourd’hui les Grecs ont six églises ; les Bulgares en ont une sous ce titre : Kimisis tis Panagias (la dormition de la Vierge). Ils n’ont ni archevêque ni évêque, le patriarche refusant la consécration ecclésiastique ; ils ont un archimandrite, sorte de vicaire-général qui remplit toutes les fonctions épiscopales : les deux tiers des villages reconnaissent cet archimandrite. Les Bulgares ont construit un monastère d’hommes à Arapovo ; ils en