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met son parlement en avant, comme s’il avait la crainte de son parlement ! Il a fallu se remettre à négocier, à discuter, à chercher des combinaisons, à échanger projets ou contre-projets de Versailles à Berlin ou à Varzin, et en fin de compte ceux qui souffrent toujours de ces lenteurs, sans doute inévitables, ce sont ces départemens de l’Aisne, de l’Aube, du Jura, de la Côte-d’Or, qui ont pu croire un moment qu’ils allaient respirer, qu’ils touchaient à la délivrance, et qui restent dans l’attente du dénoûment d’une négociation un instant ralentie. Quelques jours de plus ne sont rien sans doute pour ceux qui ne supportent pas l’occupation étrangère, ils sont beaucoup pour ceux qui, réduits aujourd’hui à en dévorer les amertumes, songent qu’ils pourraient en être exempts, et c’est là une preuve nouvelle de toutes les difficultés, de toutes les anxiétés à travers lesquelles peut se poursuivre cette œuvre patriotique de l’affranchissement du territoire qui s’impose à l’assemblée et au gouvernement, devant laquelle doivent s’effacer tous les intérêts aussi bien que toutes les préoccupations secondaires. L’assemblée elle-même, comme tout le monde, est touchée de la nécessité de cette œuvre, nous le savons bien ; M. Thiers, pour ce qui le regarde, y porte une passion véritable, la passion d’un homme qui sent profondément les malheurs de son pays, qui les avait prévus dans un temps où on n’a pas voulu l’écouter, et qui avec sa clairvoyance ne peut se méprendre sur les conditions essentielles de cette reconstitution nationale dont la délivrance du territoire est le premier signe, la manifestation la plus sensible.

Cette œuvre de patriotisme qui touche à tous les ressorts de la puissance française, au travail, au crédit, aux finances, à l’administration intérieure, à la réorganisation militaire, à l’enseignement, cette œuvre, à vrai dire, c’est celle que l’assemblée trouvait devant elle dès la première heure où elle se réunissait au mois de février, et c’est encore celle qu’elle a laissée interrompue, il y a quelques jours, en se dispersant pour quelques semaines, jusqu’au 4 décembre. Ce n’est point assurément que cette longue session ait été stérile, et qu’on ait perdu le temps durant ces terribles mois qui viennent de s’écouler. Jamais assemblée ne s’est trouvée tout à coup jetée en face de circonstances plus extraordinaires, plus menaçantes pour l’existence même d’une nation, et quand il n’y aurait que cette trêve dont on jouit aujourd’hui après une guerre étrangère qui n’a pu être terminée que par une paix cruelle, après une guerre civile dont on n’a pu avoir raison que par une campagne de deux mois, par un second siège de Paris, quand il n’y aurait que cette trêve où le pays se repose assez tranquillement, ce serait la preuve que les affaires de la France ne sont pas tombées entre des mains indignes, qu’il y a eu de la prudence et du patriotisme dans notre politique.

Oui, cette assemblée a été manifestement animée d’un véritable zèle de bien public. Elle n’a été ni faible devant l’anarchie, ni violente et