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usurpatrice dans son omnipotence, elle s’est montrée, somme toute, sensée et modérée. Si elle a eu quelquefois des velléités qui pouvaient ramener les orages, elle s’est toujours arrêtée à temps. Si elle n’a pas eu un puissant esprit d’initiative, ce qu’on pourrait appeler le souffle créateur, elle a du moins laissé une suffisante latitude au gouvernement qu’elle a chargé d’agir pour elle et en son nom. L’assemblée actuelle a surtout le goût, l’instinct de l’honnêteté, et rien ne le prouve mieux que ces rapports successifs des commissions parlementaires qui sont une sorte de liquidation morale de cette triste année de guerre, qui mettent inexorablement à nu tous ces scandales administratifs de Paris ou de Bordeaux, de l’empire ou de la république, — ces marchés, ces achats d’armes où figurent « des députés au corps législatif, des avocats, des journalistes, une femme, des aventuriers de tout ordre et de tous pays, » tout ce qu’on peut imaginer, excepté des fabricans d’armes. Enfin, nous en convenons, l’assemblée s’est employée de son mieux dans cette première session à remettre quelque peu le navire à flot, et, quand elle a eu le temps, elle a même fait des lois libérales, notamment cette loi sur les conseils-généraux qui va être appliquée dans quelques jours. Encore une fois, les sept mois qui viennent de s’écouler n’ont donc pas été perdus, et l’assemblée a bien gagné le repos qu’elle prend. Il n’est pas moins vrai que pendant ces sept mois on a été surtout occupé de vivre, et c’était bien quelque chose. Après cela, il faut l’avouer sans illusion, nous sommes tout au plus au commencement de ce qui reste à faire ; on a touché à peine aux choses essentielles.

Où en est la reconstitution de nos forces nationales ? Le gouvernement a sans doute refait une armée pour les nécessités les plus immédiates, il est allé au plus pressé, et c’était d’autant plus urgent que la dissolution des gardes nationales est désormais un fait accompli ; mais cette armée nouvelle, sur quelles bases se réorganisera-t-elle définitivement ? Quel sera le principe de nos institutions militaires ? Dans quelle mesure et sous quelle forme le service obligatoire sera-t-il appliqué ? S’il y a quelque désaccord entre l’assemblée et le gouvernement, il faut arriver à s’entendre, on ne peut plus évidemment rester dans l’incertitude, et la réorganisation définitive de nos forces militaires offrira peut-être le moyen de régler toutes ces délicates questions de grades et de situations personnelles qui entretiennent des divisions dans l’armée. Où en est, d’un autre côté, la réforme de l’enseignement ? M. Jules Simon en est toujours, dit-on, à méditer une loi, sa grande loi, qu’il présentera sans doute à la session prochaine ; mais en attendant que M. Jules Simon ait eu le temps de proposer sa loi, qui ne sera peut-être jamais la loi de l’assemblée, que de choses seraient possibles et ne se font pas ! Où est la marque d’une initiative résolue et persévérante ? Est-ce qu’on a besoin d’une loi pour susciter dans le corps enseignant un esprit nouveau, pour donner une impulsion nouvelle aux études, pour remettre la