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complir pour l’état ; ils auront à faire dans chaque département une véritable liquidation des dépenses et des désordres d’une année d’agitation.

Ce qu’il y aurait de mieux assurément, ce serait que dans les provinces on se pénétrât des nécessités de cette situation, et qu’on choisît surtout des hommes assez familiers avec tous les intérêts du département pour les représenter avec autorité, assez intelligens et assez prudens pour exercer ce gouvernement local sans essayer toujours d’en sortir. Malheureusement en France la politique se glisse partout, et finit par altérer toutes les institutions. On a un conseiller-général à nommer, et on s’occupe d’abord de savoir si ce conseiller-général est républicain ou monarchiste. Est-ce que tout récemment un conseil municipal du midi ne se mettait pas en guerre avec son préfet parce qu’il voulait avoir un instituteur républicain ? Il faut absolument, à ce qu’il paraît, qu’un instituteur soit républicain, mette chaque matin sa cocarde, pour apprendre à lire et à écrire à des enfans ! Voilà où l’on en vient. Il en résulte que tout dans notre pays suit les variations et le sort de la politique, que rien n’a le temps de prendre racine, que la France est tour à tour impérialiste, monarchiste ou républicaine, et qu’elle n’a pas de ces institutions essentielles, permanentes, indépendantes, qui sont les organes vitaux d’une nation. On ne voit pas que si on laissait la politique là où elle doit rester, pour s’occuper un peu plus de développer ces institutions premières, ces organes essentiels de la vie, on aurait la république la plus vraie, puisque ce serait le pays se possédant lui-même, ayant sa magistrature, son enseignement, ses conseils, ses administrations locales, qui resteraient à l’abri des coups de vent des révolutions, qui opposeraient en certains momens un insurmontable obstacle à toutes les dictatures. Dans ces élections qui se préparent, c’est en réalité le problème qui se débat ; il s’agit de savoir si la politique, qui n’est plus pour quelque temps dans l’assemblée de Versailles, va se réfugier dans les conseils-généraux avec ses agitations et ses contradictions.

Ces agitations intimes et profondes sont malheureusement inévitables sans doute dans un pays si souvent remué et démoralisé par les révolutions. Est-ce à dire cependant qu’il y ait quelque chose de sérieux dans tous ces bruits de complots bonapartistes qui pendant ces jours de vacances ont pris la place des bruits parlementaires ? Non, tout cela n’est point évidemment bien sérieux. Qu’il y ait quelque part des souvenirs, des regrets ou des espérances, que d’anciens serviteurs de l’empire reparaissent sur la scène, que des séides rêvent une restauration napoléonienne, qu’on crée des journaux pour persuader à la France que le vaincu de Sedan est un héros de vertu patriotique et d’abnégation, le danger n’est point là, ce n’est pas ce qui nous vaudra de quelques jours un retour de l’île d’Elbe. Quant à nous, ce qui nous préoccuperait en tout cela, ce n’est pas ce qu’on peut penser à Chislehurst, ce qu’on peut