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imputer à ceux qui en sont complètement innocens. Malheureusement la passion ne raisonne pas ; quelques personnes se sont mis en tête que, depuis le premier jour jusqu’au dernier, j’avais conspiré la perte de la ville, et, pour prouver l’exactitude de leur dire, elles ont passé au creuset tous mes actes, tous mes écrits, toutes mes paroles ; et certes la matière ne manquait point, car mon cabinet était ouvert à toute heure et à tout venant, et du 7 août au 26 octobre j’ai dû prendre plus de trois mille décisions. En somme, sur cette masse d’arrêtés, de lettres, de discours, qu’a-t-on trouvé après les minutieuses investigations faites par des esprits prévenus ? M. Mézières va nous le dire.

D’abord on n’agite plus la question de responsabilité ; le bon sens public a déjà compris que je n’en avais aucune, puisque, en fait comme en droit, le général en chef exerçait le commandement, qu’il disposait à son gré de tout le personnel et de tout le matériel, qu’il a toujours agi dans la plénitude de ses pouvoirs, enfin que ma mission se réduisait à assurer les services publics et à prendre les mesures les plus utiles pour favoriser notre défense lorsque nous serions livrés à nous-mêmes.

Ce premier point élucidé, que reste-t-il ? Page 416, M. Mézières s’écrie : « Quelle impardonnable faute de n’avoir pas employé le temps qui s’était écoulé depuis lors (du 14 au 26 août), le bon vouloir des habitans, l’énergie de la garnison, les ressources immenses dont on disposait, pour compléter les ouvrages de la place ! » M. Mézières continue en assimilant cette situation à celles de Sébastopol et de Paris. cette exclamation est bien faite pour renverser un homme qui a passé sa vie à étudier l’art militaire, et pour lui faire envier le sort des mathématiciens dont le public ne peut pas critiquer les formules. Comment pouvez-vous accuser d’inaction une armée qui livre trois batailles en cinq jours ? comment pouvez-vous supposer que cette armée puisse entreprendre des travaux réguliers de fortification ? comment pouvez-vous affirmer que les détachemens qui étaient dans la ville sont restés inactifs, alors que ces malheureux soldats travaillaient nuit et jour pour faire des ponts, pour organiser des ambulances, et surtout pour faire face aux premiers besoins de la place, ainsi que le constate officiellement le journal de défense ? Vous assimilez cette situation à celles de Sébastopol et de Paris, mais il est évident qu’il n’y a aucune ressemblance entre ces événemens militaires.

Page 434, M. Mézières dit : « Le général Coffinières qui, dans sa réponse à ses détracteurs, prétend avoir toujours cru au départ prochain de l’armée, mais qui dans ses communications officielles ou officieuses insistait volontiers sur les services que l’armée rendait à la ville en la préservant du bombardement, etc. » Je regrette que M. Mézières ait cru pouvoir insinuer que j’usais de duplicité en feignant de croire au départ de l’armée. Comment n’aurais-je pas tenu grand compte des ordres