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d’origine, de posséder des biens, d’emprunter de l’argent, de se marier dans le ressort de leur gouvernement : sages prescriptions, toujours réclamées par la conscience publique, rarement observées. En un mot, le régent fit, dans la courte durée de son administration, tout le bien qu’on pouvait attendre d’un homme habile et honnête. Il avait pris les rênes de l’état lorsque Pulchérie, l’aînée de la maison d’Arcadius, n’avait que neuf ans ; il les lui rendit lorsqu’elle eut accompli sa quinzième année.

Pulchérie ou plus exactement Ælia Pulcheria, née le 19 janvier 399, était le premier fruit du mariage de l’empereur Arcadius avec l’impératrice Eudoxie. Dans cette maison de Théodose, où les femmes étaient des hommes et les hommes de vieux enfans abâtardis par des eunuques, Pulchérie méritait de prendre place à côté de Grata Placidia, sa tante paternelle, dont elle eut toute l’énergie. Laissée presque à l’abandon dans une cour frivole et sans mœurs, elle s’était formée elle-même et ne devait son éducation qu’à la rectitude de son cœur, son instruction qu’à l’ardente curiosité de son esprit. La vue des déréglemens de sa mère, cause de tant de maux pour sa famille et pour l’empire, la prémunit de bonne heure contre les atteintes du vice ; la faiblesse puérile de son père, toujours vacillant entre le bien et le mal, toujours le jouet de conseillers intéressés, lui apprit à chercher ses principes de conduite en dehors des opinions des hommes. À ce travail solitaire, elle gagna un caractère fortement trempé, mais aussi quelque chose d’altier et de rude qui contrastait avec son extrême jeunesse et les grâces d’une beauté dont l’histoire a gardé le souvenir. Une instruction virile dirigée par elle-même développa son esprit sans l’amollir. Elle parlait avec une égale facilité le latin et le grec, et la littérature de ces deux idiomes du monde romain lui était devenue familière. Elle voulut parcourir en outre le cercle d’études sérieuses qu’un jeune patricien du Ve siècle était tenu de suivre pour ne point déroger à sa condition, et même au besoin une jeune patricienne, car l’éducation des filles de haut rang était l’objet de beaucoup de soins, principalement dans la société orientale. En se livrant à ces occupations souvent arides, Pulchérie poursuivait un double but : apprendre et enseigner ; elle voulait savoir pour elle-même, savoir aussi pour diriger ce jeune frère dont elle s’était constituée dès l’enfance la véritable mère et la gardienne : spectacle touchant que cette adoption d’un enfant par un enfant qui travaillait à cesser de l’être afin de rendre à l’autre les appuis naturels que la mort lui avait enlevés. L’histoire ne nous parle de ces premières années de Pulchérie qu’avec admiration et respect.

A mesure qu’elle grandissait, elle élargissait sa part dans