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l’éducation de son frère. Quand elle fut maîtresse absolue, elle se hâta de renvoyer Antiochus, le Persan, comme l’appelaient les uns, l’eunuque de l’empereur, comme disaient les autres ; mais il était déjà bien tard. En même temps qu’elle remplissait près de son frère l’office de la gouvernante la plus zélée, elle se formait aux affaires publiques en assistant aux délibérations du conseil de régence, où elle fit apprécier son intelligence précoce, sa rare sagacité et un jugement à la fois équitable et ferme. Il ne fut bientôt plus question dans l’empire que des mérites de cette fille du grand Théodose et des jours heureux qu’elle présageait au monde romain. Aussi, lorsqu’elle eut accompli sa quinzième année, le sénat et le peuple, d’une commune voix, lui décernèrent solennellement la tutelle de l’empereur et du gouvernement avec le titre d’augusta, qui lui conférait les honneurs et les pouvoirs de la souveraineté. Cette solennité eut lieu le 4 juillet 414. Théodose comptait alors un peu moins de treize ans, et en avait déjà régné douze depuis son accession à l’empire du vivant de son père.

L’éducation de Théodose fut reprise alors par la régente sur la base la plus libérale. Au pédagogue persan succédèrent des professeurs de toute sorte de sciences, choisis parmi les plus renommés. A voir dans les historiens contemporains le programme d’études auquel fut astreint le jeune empereur, on croirait lire une sorte de roman sur l’éducation et comme une cyropédie chrétienne. Philosophie, mathématiques, astronomie, histoire naturelle, rien n’y manque, pas même la connaissance des plantes usitées en médecine m celle des minéraux, principalement des pierres précieuses, avec leur provenance, leur rareté, leur prix, — connaissance utile à des césars qui se couvraient de rubis et de perles comme des rois de Perse, et dans laquelle Théodose devint, dit-on, très expert. L’étude du droit suivit la philosophie, et alors probablement le jeune souverain conçut ou du moins on lui suggéra l’idée, réalisée plus tard, de réunir dans un code particulier les lois des empereurs chrétiens depuis Constantin, et de faire adopter ce code par l’empire d’Occident, afin de fonder l’unité de législation dans le monde romain. On aimerait à penser que sa sage et savante sœur ne fut pas étrangère à cette heureuse inspiration, en qui se résume à peu près toute la gloire de Théodose II.

Où le jeune prince excella, ce fut dans les exercices du corps, l’équitation et l’escrime, et il passa bientôt pour le meilleur cavalier et l’archer le plus adroit de tout l’Orient. Pour l’occuper pendant les heures de loisir et l’arracher ainsi à l’influence pernicieuse des eunuques, sa sœur voulut qu’il apprît le dessin, la peinture et l’écriture telle qu’on la recherchait alors, c’est-à-dire l’art de tracer