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orgueil des armées du grand roi, étaient parfois aussi ses tyrans. Cette paix qui se négociait ne leur plaisant pas, ils vinrent demander à Bahram de les laisser profiter de la trêve pour fondre sur le camp ennemi, alors fort mal gardé, et s’en rendre maîtres. Placé entre une révolte de ses troupes et une violation du droit des gens, Bahram choisit la dernière, et permit aux Immortels d’agir comme ils voudraient. Leur plan était d’aller, au nombre de 5,000, attaquer de front les avant-postes ennemis, afin d’attirer l’armée hors de ses retranchemens, tandis que les 5,000 autres, cachés dans des ravins, l’assailliraient en flanc et lui couperaient la retraite. L’idée était bonne ; mais le mouvement fut aperçu par un des commandans romains posté en observation sur une éminence. Il donne sans retard l’éveil au camp, appelle à lui des renforts, et, par une manœuvre semblable à celle que l’ennemi avait préméditée, l’enveloppe et le taille en pièces. Les Immortels périrent, dit-on, jusqu’au dernier, et pour cette fois du moins démentirent leur nom. Maximin, pendant que ces choses se passaient, était gardé à vue dans sa tente. Lorsque tout fut fini, Bahram le fit revenir, et conclut la paix. La condition essentielle aux yeux de Théodose était la liberté du christianisme en Perse ; Bahram la promit et ne la tint guère. Quant à la restitution de l’Arzanène ou de quelque autre des provinces enlevées jadis par Sapor, il n’en fut point question : les idées d’agrandissement et de gloire touchaient moins les Romains de ce temps qu’une franchise, si précaire qu’elle fût, conquise au christianisme.

La guerre de Perse, fournit un exemple de l’extrême célérité à laquelle on était alors parvenu dans la transmission des dépêches par les chevaux de la course publique. L’empereur avait pour courrier particulier un certain Palladius, grand agitateur de chevaux, comme on disait, incomparable dans l’art de les lancer, de les arrêter, de mettre toute leur force à profit, art qu’il avait probablement appris au service des hippodromes. Cet homme franchissait en trois jours la distance qui séparait Constantinople de la frontière de Perse (environ 400 lieues), et revenait dans le même nombre de jours. Ainsi on put connaître dans la ville impériale la victoire d’Ardabure sur Narsès soixante-douze heures après qu’elle eut été gagnée. Palladius s’acquittait de toutes ses missions avec la même promptitude. Un tel métier, fait remarquer un historien, exigeait autant de vigueur d’esprit que de force de corps, et Palladius, par un hasard heureux, possédait l’une et l’autre. Cet homme devint la légende du temps. Un bel-esprit disait de lui qu’il était coupable de lèse-majesté romaine, pour réduire, comme il faisait, l’empire d’Orient à la mesure d’une course de char. Le roi de Perse ne parlait du