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précédé les découvertes des belles matières tinctoriales. — En 1823, Faraday parvient à isoler des produits condensés du gaz de l’huile un carbure d’hydrogène ; c’est un composé nouveau dont il est impossible de soupçonner les futures destinées. Mitscherlich l’extrait par un meilleur procédé, lui donne le nom de benzine, et le transforme en un composé nitré, la nitrobenzine, sans penser à aucune application. Un peu plus tard, Mansfield, Pelouze, Coupier, réussissent à extraire à bas prix la benzine du goudron de houille, et alors cette substance est recherchée pour divers usages. À l’aide d’une découverte remarquable, Zinin transforme la benzine en aniline, une matière curieuse pour le chimiste, dont personne encore n’aperçoit l’utilité pratique. Un professeur de Montpellier, M. Béchamp, imagine un mode de préparation plus simple pour cette aniline, qu’on croirait sans usage possible. En 1856, dans le célèbre laboratoire de M. Hofmann, à Londres, M. Perkin s’efforce d’en tirer un parti industriel : il espère produire artificiellement la quinine, il échoue dans cette tentative ; mais, ayant traité l’aniline par des agens d’oxydation, il observe la matière colorante violette. Bientôt après, M. Hofmann, tout préoccupé de certaines vues théoriques vraiment grandioses, essaie l’action du bichlorure de carbone sur l’aniline, et la belle couleur rouge, la fuchsine, est trouvée. Cette fois, l’expérimentateur distingue nettement le rôle que la nouvelle substance peut avoir dans l’industrie ; seulement, en véritable philosophe, il dédaigne la spéculation, et il abandonne à d’autres la faculté de s’enrichir.

Pour avoir des applications qui n’impressionnent pas la foule au même degré que certains résultats obtenus par des chimistes et des physiciens, l’observation de la nature n’influe pas moins sur le sort des populations. Il est beau d’avoir constaté les changemens que la terre a subis et que l’on a appelés les révolutions du globe, mais la satisfaction n’est que pour l’esprit. Au contraire, lorsque sur un espace plus ou moins vaste le géologue a étudié avec méthode la superposition des terrains, tracé les limites de toutes les couches, déterminé les élémens dont se composent ces couches, les ressources que le sol d’une contrée peut fournir se trouvent connues. Les recherches de l’investigateur désintéressé auront révélé la présence de nappes d’eau, de minerais, de combustibles, de terres employées par diverses industries ; elles ont ouvert la carrière à de fructueuses exploitations. Le botaniste entièrement voué au culte de la nature, et tout au bonheur de comparer entre eux les végétaux disséminés à la surface de la terre, ou de suivre la répartition des espèces selon les climats, ou de reconnaître les conditions nécessaires à la propagation des plantes, travaille plus qu’on ne l’imagine pour le bien commun. Il appelle l’attention sur des végétaux qui donnent