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importante des matières inscrites sur les programmes mérite d’être conservée dans l’enseignement, ils sont convaincus que d’autres sujets ne peuvent être oubliés. Nous ne voulons pas médire des lettres grecques et latines ; les civilisations de Rome et d’Athènes ont un caractère de grandeur qui frappe l’esprit. Lorsque la pensée se reporte à ces époques lointaines où déjà les plus belles facultés de l’homme avaient pris un magnifique développement, elle s’arrête inévitablement à des comparaisons toujours instructives ; mais, personne ne l’ignore, des juges vraiment autorisés n’hésitent pas à déclarer que le système en usage pour apprendre les langues mortes a besoin d’une réforme. L’utilité et l’avantage de la connaissance de l’histoire sont appréciés de tout le monde, tandis que le profit de l’étude des divers systèmes philosophiques demeure au moins fort incertain. Il est étrange, par exemple, que de très jeunes gens soient appelés à prendre parti pour des opinions sur les idées innées, opinions émises par des auteurs étrangers à toute science anthropologique ; on s’explique avec peine comment, sans avoir comparé les peuples disséminés sur la terre dans les différens états de barbarie et de civilisation, sans rien connaître des facultés des animaux, on croit pouvoir distinguer avec sûreté entre ce qui chez les hommes est naturel ou le produit de l’éducation. Il n’est guère moins singulier qu’on expose à des adolescens les disputes des spiritualistes et des sensualistes, en louant les uns, en blâmant les autres, lorsqu’on n’a jamais étudié les instrumens des perceptions extérieures. Sans doute les idées des philosophes méritent l’attention ; il est intéressant de suivre la pensée humaine dans toutes ses manifestations et jusque dans ses divagations ; mais ce genre d’étude n’est pas sans inconvénient pour des écoliers. Il donne la fâcheuse habitude de discourir sur des opinions dont la valeur est incertaine, sur des faits qui échappent à la démonstration rigoureuse. Le danger a été signalé par un auteur célèbre, Dugald-Stewart, qui reconnaît que « le goût des spéculations, abstraites est plus sujet qu’aucun autre à s’emparer exclusivement de l’âme, et à fermer les autres sources d’instruction que la nature a ouvertes à l’intelligence. »

Le besoin de lire les ouvrages publiés à l’étranger, l’utilité d’entretenir des relations faciles avec les peuples voisins, font sentir combien il est essentiel d’être familiarisé avec les principales langues vivantes. On s’en préoccupe peu dans nos maisons d’éducation, et les plaintes à cet égard ont mille fois retenti. Au temps où l’Espagne jouait dans le monde un rôle prépondérant, où l’Italie brillait dans la politique, dans les sciences, dans les lettres et dans les beaux-arts, la bonne société entendait l’espagnol et l’italien. Aujourd’hui est-il croyable que l’usage de la langue allemande et de