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batteries ennemies sous le feu de Strasbourg ? « Cette mesure, dit-il, n’est ni antilégale, ni neuve. » Et la circulaire de M. Chaudordy, qui s’étonne et s’indigne des faits les plus simples, les plus naturels, les plus autorisés, cette circulaire met le chevalier à bout de patience. Il lance contre le malheureux diplomate le Droit des gens de Wattel, la Littérature du droit des gens d’Omptéda, le Droit des gens de Klueber, le Droit des gens européen de Schmaltz, les Principes de droit politique de Burmalaqui, le De jure belli ac pacis de Hugo Grotius, les Essais de Moser, la Disserlulio de firmamentis conventum publicorum de Waldner, le De bellis internecivis de Heyne, et les Quœstiones juris publici de Rynkershoek ! Cette inépuisable érudition lui fournit des argumens pour justifier la pire violence de cette guerre, l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine. Qu’a fait l’empereur d’Allemagne en conquérant ces provinces ? Il a usé légitimement de son droit de rescousse, jus recuperationis. Que fait-il en gardant ce qu’il occupe de fait ? Il se conforme simplement à l’axiome : beatus possidens. Voilà des argumens sans réplique ; mais le docte agrégé se souvient qu’il parle à des ignorans, à des gens de race latine qui peut-être ne comprennent pas le latin. A toutes ses raisons tirées du droit écrit, il en ajoute une autre, très inattendue : « la France républicaine du XIXe siècle devrait être trop honnête, trop fière, pour se faire la receleuse du bien volé par la France monarchique du XVIIe. » Du reste, à quoi bon tant discuter ? L’Allemagne ne lâchera pas sa proie. Elle ne craint la France ni dans le présent, ni dans l’avenir ; elle se rit des efforts des neutres ; M. de Fonséca n’admet même pas que l’Angleterre ait osé donner des conseils amicaux à l’Allemagne : son armée est trop peu nombreuse.

Ainsi professait dans sa chaire de Reims le docteur da Fonséca, et ses disciples, recrutés par les caporaux prussiens, avaient plaisir à l’entendre, car c’était l’âme même de la Prusse victorieuse que ce Prussien découvrait à leurs yeux. Évidemment ce pays qui prétend succéder à la France dans la direction du monde, et dont les journaux aiment à citer ce vers de Corneille :

Un grand destin commence, un grand destin s’achève,


n’apporte au monde aucune idée nouvelle ; il n’a qu’une idée bien ancienne : il veut être fort pour le plaisir d’être fort, pour nous humilier du spectacle, pour nous accabler du poids de sa force. Nous savons quelles belles protestations on peut faire contre la parole impie du chancelier du nouvel empire ; mais c’est une opinion très répandue dans les pays envahis, qu’il ne convient pas de perdre