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LE DERNIER DISCOURS
DU PATRIOTISME ATHÉNIEN

La plus considérable des découvertes qui se sont faites depuis un siècle dans le domaine si riche et si dévasté des lettres grecques nous a rendu un discours d’Hypéride. Elle date seulement d’une douzaine d’années, et l’on se rappelle sans doute avec quelle joie et quelle surprise elle fut accueillie par les fervens de l’antiquité. Le grand orateur n’existait plus pour nous que par les jugemens et les courtes citations de la critique ancienne ; on le cherchait dans les bibliothèques les moins explorées, dans les monastères de l’Orient. C’est de la poussière d’un tombeau égyptien, remuée par la cupidité d’un Arabe inconnu, qu’il est sorti tout à coup, encore bien mutilé, mais reconnaissable dans des restes qui ont successivement apparu à la lumière. Le discours dont il est question ici est la dernière de ces exhumations. Rapporté en 1856 par un voyageur anglais, il fut publié deux ans après à Cambridge par M. Babington, avec un beau fac-simile du papyrus qu’il avait déchiffré. La fin manquait sur ce papyrus ; mais on la lisait dans Stobée depuis longtemps. Nous avons donc aujourd’hui l’ouvrage d’Hypéride complet, ou peu s’en faut, car il ne s’en est perdu que deux ou trois lignes. En nous faisant connaître l’orateur, il éclaire d’un jour nouveau les derniers événemens auxquels il prit part, c’est-à-dire la période de la guerre lamiaque. Il n’en est pas de plus intéressante dans l’histoire d’Athènes. Ce n’est plus, bien entendu, l’admirable éveil de cette petite nation qui en quelques années se trouva prête à repousser victorieusement une invasion formidable, et à élever sur les ruines de sa capitale, prise et brûlée par l’ennemi, les chefs-d’œuvre de l’art ancien ; on ne sent plus la jeunesse et sa confiance infinie ; mais l’enthousiasme anime et vivifie encore cette époque pour quelques instans. Ce n’est qu’un arrêt dans la décadence, une trêve dans la servitude ; cependant la mort imprévue du maître, de bril-