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trouvée ainsi atteinte dans des proportions considérables. De là des questions de dommages et d’indemnités, questions difficiles et délicates qui sont nées de la guerre, et qui doivent se résoudre tantôt selon lus règles du droit, tantôt selon les transactions de l’équité. Jamais jusqu’ici les intérêts, pourtant si variés, des chemins de fer ne s’étaient présentés à notre étude sous cet aspect inattendu.

Il faut que l’expérience nous profite. Il ne suffit pas de déplorer les désastres ; le patriotisme commande de rechercher les causes, grandes et petites, qui nous ont infligé la défaite, de réviser notre organisation, de retremper nos armes. Or les chemins de fer sont une arme ; il importe que nous sachions la rendre aussi efficace, aussi redoutable que possible. C’est dans cette pensée que nous avons recueilli des renseignemens sur le mécanisme des chemins de fer pendant la campagne de 1870 et de 1871, et que nous essaierons d’en dégager les indications utiles pour les perfectionner au point de vue stratégique. Nous aurons ensuite à calculer les pertes que l’industrie des chemins de fer a éprouvées par suite de la guerre, et les sacrifices qui lui ont été imposés pendant cette triste période, dont le règne ou plutôt l’anarchie de la commune de Paris a prolongé les calamités.


I

Si l’on étudie le réseau des chemins de fer français, on remarque que les principales lignes rayonnent de Paris et de quelques grandes villes, et que les régions frontières sont moins abondamment garnies de rails. Du côté des Alpes, la lacune est à peu près complète, et cependant les difficultés, si grandes qu’elles paraissent, ne sont pas insurmontables, puisqu’il y a des projets de tracés et des concessions éventuelles. Du côté de l’est, le long d’une frontière qui était si vulnérable, il y a également d’importantes lacunes, auxquelles l’Allemagne, moins confiante que nous, s’empressera sans doute de pourvoir. N’accusons pas trop cependant l’imprévoyance des gouvernemens qui ont préparé le réseau. Sous la monarchie de juillet comme sous l’empire, on avait plus d’une fois proposé de créer des lignes stratégiques ; après discussion, ces projets étaient, sinon repoussés, du moins ajournés. Les intérêts du commerce et de l’industrie demandaient à être servis avant ceux de la guerre, un grand nombre de départemens intérieurs étaient encore privés de voies ferrées, et ils réclamaient leur part ; les lignes stratégiques des frontières devant être peu productives, les compagnies n’étaient point désireuses de les construire. Ce ne fut pas sans peine que le gouvernement obtint la création de lignes sur le littoral de la