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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/890

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l’artillerie se disputaient les wagons par des réquisitions auxquelles les compagnies obtempéraient de leur mieux, et il arriva souvent que les wagons chargés restaient longtemps dans les gares en attendant l’ordre d’expédition, ce qui immobilisait une partie du matériel. Il y eut un moment où sur le réseau de Lyon-Méditerranée l’on compta 7,500 wagons convertis ainsi en magasins d’approvisionnement, alors que de tous côtés le matériel était insuffisant pour les transports de troupes. Chaque service ne tenait compte que de ses besoins, de sa propre responsabilité, et les wagons appartenaient au premier occupant. L’opinion publique, affolée par les désastres, s’était déchaînée avec tant de violence contre l’intendance militaire, les généraux eux-mêmes dans le désespoir de leurs défaites accusaient également avec tant de sévérité les services administratifs, que ceux-ci, pour échapper à des récriminations souvent fort injustes, n’hésitaient plus à s’emparer des moyens de transport en accumulant à tout prix les approvisionnemens, qui plus d’une fois tombèrent en même temps que les gares aux mains de l’ennemi. Ce qu’il faut retenir de cette expérience, c’est que l’organisation des transports de toute nature en temps de guerre par les voies ferrées doit être révisée de telle sorte que les différens services ne se fassent pas concurrence, et que les réquisitions soient adressées aux compagnies par une seule autorité militaire chargée de déterminer la part de chacun.

Puisque les chemins de fer sont appelés à jouer un rôle si actif dans les guerres modernes, il s’ensuit nécessairement que leur personnel peut être considéré comme étant sous les armes, et doit être maintenu à son poste, qui est un véritable poste de combat. Les employés des compagnies rendent plus de services sur les machines, dans les trains et dans les gares que s’ils étaient envoyés au régiment. Lors des levées générales, on ne trouverait pas facilement à les remplacer, et dans tous les cas leurs suppléans seraient beaucoup moins exercés pour des manœuvres que la multiplicité et la précipitation des expéditions rendent plus périlleuses. La sécurité des transports est une condition si essentielle que diverses décisions prises au début et pendant le cours de la guerre ont dispensé du service militaire certaines catégories composées des employés les plus utiles pour l’exploitation. Il n’y en a pas moins eu quelque désarroi dans le personnel des compagnies, soit que les dispenses accordées ne fussent pas assez larges, soit que dans plusieurs départemens on eût exigé, sous la pression toute-puissante des clubs, l’incorporation des agens des chemins de fer dans l’armée active, dans la garde mobile ou dans la garde nationale mobilisée. Ces exigences se fondaient sur l’argument d’égalité. Elles eussent été plus