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alarmer les nombreux intérêts engagés dans l’industrie des chemins de fer.

La guerre, cette fatale guerre a entraîné d’autres préjudices qui ont frappé la France entière en s’étendant à toutes les branches du travail industriel et agricole. Au moment même où la libération d’une partie de notre territoire et la reprise des communications avec Paris permettaient aux relations commerciales de se rétablir, et où se produisaient de toutes parts d’impérieux besoins d’approvisionnemens, les moyens de transport ont fait défaut. Au nord, à l’ouest, au midi, les magasins et les gares étaient remplis de marchandises qui ne pouvaient obtenir leur écoulement, et qui attendaient indéfiniment leur tour de départ. Les produits s’avariaient et se dépréciaient. C’était la région viticole du midi qui souffrait le plus cruellement de cet état de choses. Elle avait dû conserver pendant la guerre la presque totalité de la récolte de 1869, et elle devait s’en défaire à tout prix avant de recevoir dans ses chais les produits de la récolte de 1870 ; elle subissait donc une mévente et un encombrement qui paralysaient complètement ses opérations. De même les mines qui fournissent la houille, comme les usines qui l’emploient, se voyaient arrêtées par les retards imposés au transport de cette matière première de l’industrie. Il en résultait des chômages forcés alors que les commandes affluaient, et une suspension de travail qui privait de salaire les nombreux ouvriers que le licenciement des gardes nationales mobiles et mobilisées rendait à leurs foyers. Jamais on n’a pu observer plus clairement à quel point les différentes régions de la France sont solidaires, combien sont immenses les facultés de consommation à Paris et combien l’industrie parisienne est nécessaire au commerce de détail en province, à quel degré les chemins de fer ont depuis quinze ans étendu et multiplié les transactions, accru les bénéfices et déchaîné le travail. Au commencement de ce siècle, les relations commerciales étaient si restreintes, qu’il eût suffi de quelques semaines, de quelques jours peut-être, pour rétablir dans l’ordre accoutumé le mouvement des affaires, c’est-à-dire pour remonter le roulage et la batellerie, les seuls véhicules que l’on connût alors. Il n’en est plus de même aujourd’hui. Un embarras momentané dans le rouage des chemins de fer devient une véritable calamité : désastre nouveau qu’il faut ajouter au compte de la guerre, et dont il est probable que les Allemands sur leur territoire ont souffert comme nous, sinon autant que nous.

Les intérêts lésés par cette insuffisance de transports se sont émus : ils ont adressé au gouvernement et à l’assemblée nationale des plaintes très vives contre le service des compagnies. La réponse