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de celles-ci n’était que trop facile. Non-seulement les compagnies n’avaient pas pu, durant la guerre, renouveler leur matériel roulant, puisque le travail était interrompu dans la plupart des ateliers de construction, mais encore une partie de leurs wagons était employée au rapatriement des prisonniers français ou retenue sur les lignes allemandes, qui s’en servaient pour leur exploitation. Sur un effectif total de 120,000 wagons, 16,000 étaient ainsi détournés de leur destination commerciale ; un nombre à peu près égal avait été détruit ou mis hors de service pendant la campagne, de telle sorte que, devant une accumulation extraordinaire de marchandises, les compagnies étaient privées du quart de leurs ressources ordinaires de transport. M. le ministre des travaux publics a très nettement expliqué à l’assemblée nationale les détails de cette situation, qui doit être considérée comme un cas de force majeure, et qui ne saurait compromettre aucune responsabilité. Les compagnies assurent même qu’avec des moyens très réduits, en personnel comme en matériel, elles sont parvenues à organiser autant de trains qu’elles le faisaient en temps normal avec leurs ressources complètes. La rentrée des wagons indûment retenus en Allemagne, l’emploi de wagons étrangers empruntés par la ligne du nord, et les constructions nouvelles, qui sont poussées très activement dans tous les ateliers, ne tarderont pas à combler le déficit, et permettront de rétablir les règlemens sur les délais de transport et de livraison, règlemens qui, au lendemain de la guerre, étaient devenus inexécutables.

Ici encore se présente la question de savoir si, dans ces circonstances vraiment critiques pour l’industrie et pour le commerce, l’état, exploitant directement les chemins de fer, aurait pu, mieux que les compagnies, atténuer les conséquences de la guerre et réorganiser le service. Les compagnies ont, pour agir promptement et bien, l’énergique stimulant de leur propre intérêt. Si le commerce perd à ne pas obtenir de transports, les compagnies perdent à né pas les fournir. Il y a entre les deux contractans, qui nous apparaissent souvent comme adversaires, non pas antagonisme, mais communauté absolue d’intérêts. L’état, quelle que doive être sa sollicitude pour les demandes légitimes du public, ne se sentirait point excité par l’argument de perte ou de gain, qui, dans l’ordre matériel, est très certainement la règle des actions, et il est absorbé par tant d’autres soins que la direction du service des chemins de fer risquerait de n’obtenir à certains momens qu’une part secondaire denses préoccupations. Il n’aurait donc pas été en mesure de surmonter les difficultés de toute nature contre lesquelles les compagnies ont eu à lutter pendant et après la guerre. Il n’est pas hors