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personnel spécial, le soldat ne peut être relevé que par ses camarades, et ceux-ci, poussés sans doute par un sentiment de dévouement, mais stimulés aussi par cet esprit de conservation dont personne n’est exempt, s’empressent de venir à son secours. L’un saisit les jambes, l’autre le corps ; d’autres fois le blessé est couché sur deux fusils, sur une couverture de campement, sur une toile de tente, et il est porté par quatre de ses camarades, tandis qu’un cinquième cherche à se rendre utile en suivant avec le sac et le fusil : il n’est pas rare de voir cinq ou six soldats accompagner un blessé qui pourrait parfaitement marcher et se rendre seul à l’ambulance. Or il est bien difficile de revenir de sang-froid prendre place dans le rang quand on a pu s’éloigner hors de l’atteinte des balles. Un seul blessé fait donc sortir du rang un ou deux soldats pour le moins, et trop souvent d’une manière définitive : aussi l’objection faite à l’institution des porteurs spéciaux pris au nombre de trois ou quatre dans les compagnies est-elle sans fondement sérieux, car l’effectif de la compagnie sous le feu serait moins diminué qu’il ne l’est avec le désordre actuel et l’absence d’organisation. Percy avait proposé de créer un corps spécial de brancardiers formé d’infirmiers d’ambulance ; M. Larrey pense que les blessés devraient être relevés par des escouades composées à l’avance des hommes les plus aptes à ce service, choisis dans les corps de troupes parmi les soldats les plus braves. Les idées de Percy et de M. Larrey auraient pu être utilement combinées ; malheureusement elles n’ont pas été adoptées, et ce n’est que dans les armées autrichienne et prussienne que nous voyons ces projets mis à exécution depuis longtemps au grand avantage de tous.

En Prusse comme en Autriche, dans chaque compagnie d’infanterie, quatre soldats au moins doivent pendant la paix recevoir une éducation spéciale afin de pouvoir être utilisés en temps de guerre comme brancardiers. Ces hommes conservent l’uniforme de leur régiment, mais en campagne ils portent au bras gauche un brassard qui indique leurs fonctions. En Prusse, ce brassard n’est autre depuis 1866 que celui de la convention de Genève. C’est un abus qu’il nous paraît important de signaler. En effet, ces soldats ne sont pas uniquement et constamment des brancardiers, ils n’agissent en cette qualité que pendant les batailles, et en tout autre temps ils restent dans les rangs de leur compagnie. Ils ne devraient donc porter le brassard qu’au moment d’un combat dans lequel ils sont employés comme brancardiers.

Le rôle des soldats brancardiers (Kranken-Trœger) est peu différent en Autriche et en Prusse. Dans l’armée autrichienne, les soldats brancardiers appartenant à une même brigade sont réunis sous le commandement d’un officier de grade inférieur, et chaque