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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/129

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Des hurlemens de douleur se font entendre ; on arrête la voiture, on replace le malade, mais quelques pas plus loin c’est à recommencer. L’évacuation n’est possible que par voie ferrée, encore faut-il que l’on ait des wagons appropriés à cet usage ; dans toute autre circonstance, elle doit être proscrite pour les blessés atteints de fracture.

L’hôpital d’étapes institué dans l’armée prussienne nous amène à dire quelques mots d’une organisation spéciale à la Prusse, inaugurée dans la dernière campagne et aussi importante au point de vue militaire qu’au point de vue médical : nous voulons parler du service des étapes. En France, il n’existe pas d’intermédiaire entre l’armée opérant en pays ennemi et l’armée restée sur le sol natal ; l’une obéit au général en chef, l’autre est directement soumise au ministre de la guerre. En Prusse, tout le pays placé entre la mère-patrie et l’armée active est sous la direction d’un général qui prend le titre d’inspecteur-général des étapes. Ce pays est partagé en un certain nombre de circonscriptions appelées rayons d’étapes. Chaque rayon a un centre de commandement placé ordinairement dans une station de chemin de fer. De plus, comme chaque armee-corps est recrutée dans certaines provinces de la confédération du nord, chacun de ces corps a sur les derrières de l’armée son chef-lieu d’étapes (Etappen-Haupt-Ort), qui se déplace suivant les progrès des opérations militaires, et sa tête d’étapes (Etappen-Anfang-Ort), qui est située en Prusse dans une des villes de la province que traverse la route qui mène au théâtre de la guerre. Entre ces deux points extrêmes sont établies les étapes de chemin de fer (Eisenbahn-Etqppen), et, lorsque les chemins de fer n’existent pas, les étapes de terre (Land-Etappen). A chaque station d’étapes est établi un hôpital destiné à recevoir les malades de la (circonscription, les soldats de passage forcés de s’arrêter en route, ou les blessés ne pouvant sans inconvénient continuer leur voyage jusqu’au point où se dirige l’évacuation. On conçoit les services que peut rendre une semblable organisation lorsqu’il s’agit de faire rapidement franchir à des régimens d’assez longues distances. Chacun d’eux en arrivant à l’étape trouve tout préparé pour le recevoir ; la distribution des vivres se fait le soir même, et le lendemain matin la troupe peut se remettre en route avec autant de facilité que s’il s’agissait d’un déplacement opéré en temps de paix dans l’intérieur du pays natal. On comprend de quelle utilité sont ces hôpitaux fixes disséminés ainsi de distance en distance sur toutes les routes que suivent les évacuations. Nous avons vu, hélas ! dans cette triste campagne de la Loire dans laquelle l’absence d’organisation et le désordre étaient si flagrans, un tout autre spectacle ; nous avons vu des trains de blessés et de malades errer le long de nos lignes ferrées sans que