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yeux. Dans une conférence de trois heures, il nous raconta à grands traits et avec son incomparable clarté l’histoire d’Anzin, les humbles commencemens, les procès, les accidens souterrains, les vicissitudes politiques de l’entreprise, d’où elle n’était sortie que parce que, étant bonne en elle-même, elle avait été en outre simplement, sagement et honnêtement conduite. C’étaient là, pour un travail à faire, des matériaux rares et de grand prix ; plus tard, le secrétaire-général de la compagnie, M. Courtin, y ajouta, par un envoi spécial, des documens techniques, des chiffres, quelques traits de mœurs, qui devaient en accroître la consistance. Cette étude est le produit de cet ensemble d’informations, les plus sûres évidemment qu’on pût recueillir.


I. — LES ORIGINES DE LA COMPAGNIE.

Parmi nos grands établissemens d’industrie, il en est peu qui remontent à l’ancien régime et qui comptent un siècle et demi de possession continue dans les mêmes mains. La compagnie d’Anzin représente une de ces exceptions et à coup sûr la plus brillante. Sa fondation tint à une nécessité démontrée, son premier agent fut un homme du pays doué d’une patience poussée jusqu’au génie, et auquel il arriva ce qui arrive presque à tous les auteurs de découvertes, — de préparer le terrain à des continuateurs plus heureux.

Dans les premières années du XVIIIe siècle, lorsque le Hainaut français eut été définitivement séparé du Hainaut autrichien, une brusque disette de combustible se fit sentir non-seulement dans la partie du Hainaut adjugée à la France, mais dans les provinces limitrophes de la Flandre et de l’Artois. Une frontière gardée avait fermé à nos populations l’accès des mines où naguère elles s’approvisionnaient de charbon à des prix très modérés, et aux environs les défrichemens rendaient de jour en jour le bois plus rare et plus cher. Nicolas Desaubois vit le mal et en chercha le remède. Il se dit que la nature n’avait pas pu tracer les limites de la houille comme l’épée de Louis XIV avait tracé la frontière des Pays-Bas, il présuma que le charbon devait exister dans les provinces devenues françaises aussi bien que dans les provinces restées autrichiennes. Cette opinion n’était que de l’instinct, mais cet instinct valait la science de l’ingénieur. En effet, dès les premières recherches, Desaubois acquit la certitude qu’il existait du charbon entre la Scarpe et l’Escaut comme entre l’Escaut et la Sambre. Les preuves en main, il demanda au roi Louis XV une concession de terrains et un secours d’argent ; sans hésiter, on lui accorda l’un et l’autre par acte du 8 mai 1717, peu d’argent,