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12,500 livres, mais tout l’espace qu’il avait désigné. Les fouilles commencèrent et mirent à découvert, aux environs de Fresnes et en présence de la population accourue, le plus beau charbon qu’on eût jamais vu dans la contrée. C’était la sanction de l’entreprise, mais c’en était aussi la ruine : au lieu de 12,500 livres reçues du roi, il en coûtait à Desaubois 60,000 livres, complétées de ses deniers. En vain l’intendant de la province, M. d’Argenson, lui fit-il obtenir une nouvelle somme de 35,000 livres et une seconde concession jusqu’en 1740, en vain le roi lui accorda-t-il 200 pieds de chêne à prendre dans la forêt de Mormal pour le cuvelage de ses puits, un mauvais sort pesait désormais sur l’œuvre et sur l’homme : les 35,000 livres lui furent payées en bons de Law complètement dépréciés, et à diverses fois les eaux, en inondant les fosses, portèrent des préjudices irréparables aux travaux. Bon gré mal gré, il fallut quitter la partie et abandonner à d’autres un privilège qui devait faire la fortune de nos provinces du nord.

Les nouveaux acquéreurs étaient MM. Desandrouin de Noelles et Pierre Taffin, auxquels Desaubois céda son matériel pour la somme de 2,400 florins. C’est le vrai point de départ de la compagnie actuelle ; ce qui précède ne représente guère que les souffrances de l’inventeur. Par acte du 22 février 1722, la concession Desaubois fut transférée à Desandrouin et Taffin avec le même périmètre et la même durée, qui devait se prolonger jusqu’en 1740. Déjà la qualité des parties croît en importance, et on la verra croître encore à mesure que l’entreprise donnera de plus beaux profits. Dans les actes royaux, Desaubois n’est qu’un habitant de la ville de Condé, Pierre Desandrouin de Noelles et Pierre Taffin sont, l’un écuyer et maître verrier, l’autre secrétaire du roi, audiencier en sa chancellerie près du parlement de Flandre ; tous deux apportaient d’ailleurs à l’entreprise la garantie d’une fortune territoriale qui allait être engagée en partie dans les dépenses qu’occasionnèrent les premiers travaux. On y mit, au début surtout, une grande ardeur : les fonçages de puits furent multipliés partout où il y avait quelque espoir de rencontrer la veine, on monta des manèges pour l’écoulement des eaux ; mais ces instrumens avaient les imperfections de l’époque, et dans les fortes crues l’action en devenait insuffisante. Dans les puits étanchés, un autre inconvénient se présenta : le charbon, de qualité supérieure en général, gisait en couches plus minces et en même temps plus profondément situées que dans les mines belges, ce qui était pour l’exploitation française un double désavantage ; mais le pire de tout, c’est qu’après douze ans de recherches les concessionnaires n’avaient pas encore trouvé une veine assez abondante pour les dédommager de leurs sacrifices.