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l’influence de leurs noms et le concours de leurs capitaux, aux autres intéressés l’art de conduire les ouvriers et l’expérience des travaux souterrains. Le prince de Croy adopta cette pensée et s’en fit l’agent résolu. Il avait un grade élevé dans les armées françaises, il était prince du saint-empire, gouverneur de l’Artois, de la Picardie et de leurs enclaves, il était concessionnaire à Condé et à Vieux-Condé, il devait l’être prochainement à Fresnes et confinait à Raismes avec le marquis de Cernay ; à ces divers titres, il était le principal intéressé et le personnage le plus considérable de ces entreprises, par suite l’homme le plus naturellement désigné pour en être le médiateur. Le seul obstacle à cette médiation provenait du marquis de Cernay et de MM. Desandrouin et Taffin, qu’animaient de vives rancunes ; le prince de Croy se rendit sur les lieux, les vit séparément, puis les mit en présence et parvint à les concilier. Après quelques conférences, les parties étaient d’accord ; le 19 novembre 1757, MM. de Croy, de Cernay, Desandrouin et Taffin signèrent le contrat d’association qui régit encore la compagnie d’Anzin. Ils y mettaient en commun leurs concessions avec le matériel qui y était attaché, leur avoir entier à quelque titre que ce fût, droit de souveraineté féodale, droit de travail : toutes les compétitions étaient éteintes, toutes les contestations mises à néant, et, à moins de dissolution de la société, ils restaient propriétaires de l’ensemble, se prêtant réciproquement leurs titres, les complétant les uns par les autres.

L’acte de société signé, il ne restait plus qu’à obtenir la sanction royale ; cette fois l’objet en fut mieux défini. On se rapprocha plus qu’on ne l’avait fait jusqu’alors du vrai caractère de l’exploitation des mines, qui, pour acquérir une énergie régulière, a besoin de reposer sur un titre durable, au moins une longue emphytéose à défaut d’une propriété définitive. C’était le principe fondamental de la loi de 1810 qui se dégageait confusément des expériences ébauchées. Après de mûres réflexions, un arrêt fut rendu, en date du 1er mai 1759, qui permettait aux nouveaux associés, à leurs hoirs ou ayant-cause, d’ouvrir et d’exploiter pendant l’espace de quarante ans, à compter du 1er juillet 1760, toutes les mines de charbon qui se trouvaient ou pourraient se trouver dans l’étendue des terrains compris entre la Scarpe et l’Escaut. Conseil pris, on avait moins lésiné sur le temps à courir que sur l’espace à concéder. D’un côté, les jouissances temporaires pour Raismes, Fresnes et Anzin étaient portées jusqu’à l’année 1800, indépendamment des jouissances perpétuelles de Condé et Vieux-Condé ; d’un autre côté, on supprimait par prétention les actes antérieurs qui donnaient aux titulaires des premières concessions des droits mal déterminés sur