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les terrains situés entre la Scarpe et la Lys. Ainsi, quoique les apports des associés n’eussent pas la même valeur, et que les uns livrassent des mines ouvertes et montées de toutes pièces, tandis que les autres n’avaient à donner que des mines à ouvrir et très incomplètement montées, le contrat d’union n’en était pas moins un bénéfice pour tous ; il terminait les différends, et communiquait à des exploitations incohérentes une puissance et une solidité qu’elles n’eussent jamais acquises par d’autres moyens. Tout figurait dans cet acte, les personnes et les biens. Anzin avait eu ou avait dès lors dans ses élémens constitutifs la représentation de toutes les classes sociales : la roture avec Desaubois, la petite noblesse avec Desandrouin et Taffin, la grande noblesse avec le prince de Croy et le marquis de Cernay. Le fonds et tréfonds, naguère hostiles, allaient se trouver, du moins en partie, réunis dans les mêmes mains.

Ceux qui avaient conduit cette négociation n’eurent qu’à s’en applaudir ; les effets en furent aussi prompts que décisifs. Tandis que les exploitations partielles avaient presque toutes périclité, cette exploitation collective entra sur-le-champ dans une suite d’heureuses veines que les cas de force majeure purent seuls interrompre, et qui recommençait à chaque retour d’un régime régulier. Le bénéfice fut dès lors constant et, à quelques fluctuations près, toujours en progrès, ce qui, entre nombreux intéressés, est le plus sûr gage d’harmonie. Aussi, à partir de l’acte de société de 1757, ne cite-t-on pas un seul différent né dans le sein de la compagnie d’Anzin ; il est vrai que cet acte, par l’étendue et la vigueur des pouvoirs qu’il délègue, était de nature à empêcher ou à étouffer tout germe de contestation. L’association était civile, représentée par six des intéressés, formant un conseil de gestion permanent et qui, en cas de vacance pour une cause quelconque, se recrutait lui-même par voie de cooptation, limitée aux associés. Ce que cette faculté avait de discrétionnaire était tempéré par une sorte de règle que le conseil de gestion s’était imposée, et qui consistait à choisir dans les familles des premiers fondateurs les hommes les plus aptes à recueillir leur mandat. C’est ainsi que les alliés des Taffin et des Desandrouin ont figuré longtemps et figurent encore, si je ne me trompe, dans le conseil de gérance. En même temps ce conseil, présidé au début par le prince de Croy, a toujours tenu à honneur d’avoir à sa tête un homme illustre quand il s’en est trouvé un parmi les associés, et c’est ainsi qu’il a porté à la présidence Casimir Perier dans les commencemens de ce siècle, et plus récemment M. Thiers, qui en remplit encore les fonctions. Libres d’agir à leur gré, les régisseurs, comme on les nomme, ne reculaient pas