tout la pointe extrême qui est pittoresque. Les hauteurs boisées couvertes de noirs sapins et de chênes séculaires, y forment comme une couronne dentelée; des clairières converties en prairies anglaises entr’ouvrent les forêts et descendent le long des pentes jusqu’au bord de l’eau; par-ci, par-là, une riante vallée, fermée en arrière par des collines ou par un épais rideau d’arbres gigantesques, envoie au loch les eaux bruyantes d’un torrent. Autrefois peut-être ce coin de terre n’était qu’une solitude inhospitalière; l’industrie humaine en a fait un petit paradis.
Le soleil était déjà sur les bois qui couronnent la rive occidentale quand, sur la route qui longe le lac, j’approchais de la petite ville d’Inverary, chef-lieu du clan, qui se détache en blanc sur le fond sombre des montagnes. Le port d’Inverary hébergeait plus d’un navire : des pêcheurs de hareng, des marchands de Glasgow, qui avaient allumé des feux sur le pont. D’autres navires arrivaient du sud avec la marée, toutes voiles dehors; un bateau vapeur revenait d’une excursion à la grotte de Fingal.
Le jour tombait quand j’atteignis Inverary. Les environs sont charmans. La forêt s’ouvre tout à coup pour former une vaste éclaircie, au fond de laquelle s’élève un splendide manoir normand dont les quatre tourelles crénelées regardent les points cardinaux. Les croisées gothiques étaient éclairées d’un côté par les feux du soleil couchant, et de l’autre par les reflets des eaux du lac. Les derniers rayons de l’astre doraient aussi la tour solitaire qui, dominant la forêt, semble veiller sur le château et sur le pays. Des allées de chênes gigantesques, qui partent du château, s’enfoncent dans les bois qui entourent l’immense pelouse. Aux approches de la nuit, un voile semblait descendre sur toutes ces magnificences, et je me rappelai que je foulais la terre d’Ossian.
Afin de voir de plus près le château et le parc, je m’empressai de déposer mes bagages à l’hôtel, et je revins vers la clairière pour m’engager dans ces ombrages mystérieux. Malheureusement le soleil était déjà très bas, je n’eus que le temps de jeter un coup d’œil rapide sur ce beau spectacle, qui déjà comme un rêve s’abîmait graduellement dans la nuit. Là-bas ce coin si charmant, tout à l’heure encore enveloppé d’un air purpuréen, est subitement rempli d’épaisses ténèbres; une allée qui s’ouvrait sur de riantes collines semble fermer devant moi un portail d’ombre. Au-dessus de ma tête, j’entends un bruissement d’ailes; de grands oiseaux, des faucons et des vautours, peut-être des aigles, retournent à leurs nids aériens. — Je me dirigeai vers le manoir. Il sort de terre, laissant un fossé entre ses fondations et la prairie où j’étais; de légers ponts de fer conduisent de deux côtés à l’étage supérieur; le