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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/195

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50 cent, par hectare et par an : cette combinaison est généralement préférée.

À ces conditions, la colonisation pourrait prendre un certain essor, s’il ne s’y attachait cette fatalité qui pèse sur nos nouvelles colonies et qui les condamne à languir. Au mois d’août 1868, on avait à peu près concédé 30,000 hectares, cultivés par des colons libres au nombre de 1,000 à 1,500. Il en résultait un mouvement commercial de 2 millions à l’importation en 1867 ; l’exportation était encore insignifiante à cette époque. Évidemment la colonie est tout au plus embryonnaire. Elle offrait pourtant déjà un champ d’expérience pour le principe de l’instruction laïque, gratuite et, qui sait ? peut-être même obligatoire. L’éducation des enfans est le premier article du programme des réformateurs. Dans les îles de l’Océanie, les missionnaires sont les instituteurs ; leur science n’est pas toujours très étendue, mais elle est suffisante. Malheureusement ils enseignent surtout les principes du christianisme ; imbus de telles idées, les enfans deviennent impropres à la rénovation sociale ! Des instituteurs laïques, libres penseurs, voilà ceux qu’il faut choisir pour former ces jeunes âmes ; seulement il est difficile de trouver, pour professer dans une île sauvage, des instituteurs laïques et libres penseurs dont la vie soit aussi frugale, les besoins aussi restreints, les privations aussi gaîment acceptées que dans la société des missions. Au moment précis où le gouverneur de la Nouvelle-Calédonie cherchait dans son esprit les moyens de développer et d’améliorer l’œuvre des missionnaires en les remplaçant par des maîtres laïques, un professeur arrivait dans la colonie, un élève de l’école normale de Nivelles, en Belgique. Ce fut une bonne fortune. Il fut convenu que l’instruction serait donnée en français. On offrit au nouveau maître un traitement de 2,000 francs, une maison construite aux frais de l’état, un domestique, une ration complète de vivres. Ce n’était certes pas trop pour un professeur expatrié. Un missionnaire avait d’abord été désigné pour le même emploi ; on le remercia, quoiqu’il eût coûté moins cher.

L’administration voulut signaler par une petite fête la création dans l’île de la première école laïque. L’hôtel du gouvernement fut ouvert aux enfans de cette école ; des jeux, des amusemens de toute espèce, une tombola, un goûter, leur étaient offerts. La fête devait se renouveler tous les ans. L’année suivante, le 1er avril 1866, le gouverneur, fidèle à sa parole, admit de nouveau dans sa demeure les jeunes disciples de l’école. Les amusemens ne furent pas moins gais, et le buffet n’eut pas moins de succès ; mais le lendemain le journal officiel de la colonie, racontant cette agréable réception, déclara tout net aux élèves qu’ils ne la méritaient pas. Travail nul,