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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/197

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On prétendit qu’ils revendiquaient pour la mission une partie des terres comprises dans la réserve faite au profit de l’état et des futurs colons. Provisoirement l’un des principaux chefs de tribu fut enlevé et déporté à l’île des Pins. Cet acte d’autorité, qui consacrait si singulièrement le droit de pétition à la Nouvelle-Calédonie, entraîna la mort du malheureux ; alors ses sujets se révoltèrent, et des gendarmes furent assassinés en représailles. Le tumulte apaisé et les meurtriers livrés à la justice, leur avocat ne manqua pas d’accuser la mission. Celle-ci se posa en persécutée. C’est en ce désordre des esprits que s’est terminée la période de colonisation comprise entre l’avènement et le départ de celui qui avait gouverné la colonie de 1862 à 1870. Comme novateur et réformateur, ses déceptions n’ont pas été moins grandes dans l’organisation de la transportation. C’est ce qu’il nous reste à dire.


IV

Lisant un jour les réflexions d’un magistrat sur l’administration de la justice, nous avons été frappé des considérations suivantes, dont les termes ou à peu près nous sont restés en mémoire. « Divers systèmes, disait-il, ont été proposés pour l’amélioration des condamnés, cet amendement étant, au dire de quelques personnes, la seule raison et la seule justification de la peine. C’est un principe trop absolu. Si l’on corrige un enfant, ce n’est pas seulement pour qu’il ne retombe pas dans la même faute, c’est encore pour qu’il soit puni de l’avoir commise et qu’il éprouve la juste compensation du plaisir illicite qu’il s’est donné. — Ainsi des hommes ; il y a des principes généraux qu’il n’est pas permis de méconnaître impunément, et dont le caractère sacré, violé dans un intérêt coupable, doit être revendiqué, ne serait-ce que pour l’affirmation et la sauvegarde de ces principes, indépendamment, de toute vengeance et de toute garantie matérielle, pour les personnes et les choses. » Cette appréciation si juste doit, à notre avis, faire règle à l’égard des transportés. N’ayons pas un excès de sollicitude pour ceux que la loi punit, et ne leur réservons pas une sympathie qui les laisse douter que nous les trouvions coupables. Telle a été l’erreur de l’administration calédonienne. Elle a eu pour les condamnés des attentions délicates ; on eue dit que l’eau de mer leur avait donné un baptême d’innocence. On les a traités en fils malheureux, assujettis à une détention, à des devoirs pénibles. Ces devoirs accomplis, cette détention subie, il semblait que le souvenir du passé, dût être à jamais effacé, que les plus honorables familles pussent frayer sans répugnance et sans défiance avec ces réhabilités. Les transportés