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excommuniait les cyrilliens. C’était la double déclaration d’une guerre sans quartier, une haine sacerdotale inextinguible et un schisme.

Ainsi, au lieu d’un concile, la ville d’Éphèse en eut deux, s’anathématisant l’un l’autre et se prétendant tous deux le seul concile œcuménique légal, sans compter quelques fidèles amis de Nestorius, qui formaient autour de lui comme un troisième synode, celui-là très petit et tendant à s’amoindrir de jour en jour. Les officiers impériaux appuyaient le concile de Jean, Éphèse soutenait celui de Cyrille. Des placards contenant les dépositions et excommunications fulminées par chaque parti étaient affichés dans tous les carrefours : on en trouvait jusque sur les murs du théâtre, car la pieuse ville d’Éphèse, ainsi que toutes les villes d’Asie, était folle de spectacles et le théâtre faisait son rendez-vous habituel. Ceux qui venaient des Orientaux étaient outrageusement déchirés, tandis qu’on respectait ceux de Cyrille. Les électeurs que Jean d’Antioche avait invités à se réunir pour remplacer Memnon ne donnaient aucun signe de vie, l’évêque déposé officiait avec plus d’éclat que jamais dans ses églises au milieu de ses collègues cyrilliens excommuniés comme lui, et le peuple accourait à ces offices entendre des prédications pleines d’invectives et de menaces. Pendant ce temps, l’accès des mêmes églises était fermé aux Orientaux, et les auteurs de ces menées se faisaient un jeu des mystères sacrés. Bientôt ce furent des appels à la guerre civile et au massacre. Les maisons où demeuraient les Orientaux furent marquées de signes particuliers comme pour quelque coup de main ; tantôt on menaçait de les affamer, tantôt on les tenait bloqués chez eux pour les empocher de se réunir, et leurs malades même n’avaient pas la liberté d’aller respirer l’air du dehors. Pour mettre fin à ces indignités tolérées ou commandées par les magistrats, les officiers impériaux firent venir de nouvelles troupes qui continrent la populace ; Cyrille alors lâcha par la ville sa milice de mariniers, de valets de bains, d’ensevelisseurs des morts, et des conflits journaliers eurent lieu entre les Égyptiens et les soldats ; le sang coula dans les rues. Nestorius, dont la vie fut plus d’une fois en danger, prit à sa solde des gens de la campagne d’Éphèse pour garder sa maison. C’était, au lieu des débats paisibles d’un concile sur le plus auguste des mystères chrétiens, le spectacle d’une anarchie sans exemple comme sans raison.

Il arrivait cependant à Constantinople lettre sur lettre, rapport sur rapport, représentant la situation d’Éphèse sous les couleurs les plus différentes ; chaque parti l’appréciait suivant son intérêt ou sa passion. On a encore les relations destinées à l’empereur, ainsi que plusieurs lettres ou manifestes adressés au clergé, au sénat, au peuple, aux moines de la ville impériale. Jean d’Antioche demande