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assurée. Il ne s’agissait dans tout cela que de la guerre entre Cyrille et Jean d’Antioche, entre les deux conciles qui se qualifiaient l’un et l’autre d’œcuméniques et de sacro-saints. Quant à Nestorius, sa cause paraissait abandonnée ; nous avons dit que Théodose n’aimait pas les embarras : quiconque lui en attirait était son ennemi. Or, depuis qu’il avait imprudemment embrassé le parti de cet archevêque, que de désagrémens, que d’ennuis étaient venus fondre sur lui : division parmi les églises, division parmi les peuples, troubles jusque dans la ville impériale, où des moines séditieux étaient venus aux portes de son palais lui dicter leur volonté, enfin retour de sa sœur aux faveurs de l’opinion publique et presque à une nouvelle régence ! Nestorius devint pour lui un objet de haine, et on n’osa plus prononcer ce nom en sa présence.

L’évolution opérée dans l’esprit du maître se fit également remarquer dans celui des courtisans, dont le malheureux patriarche était naguère l’idole et l’oracle. Ce fut maintenant à qui le comblerait de malédictions ; on le jugeait digne de tous les supplices : la déposition ne suffisait pas, son bannissement seul pouvait garantir désormais la tranquillité du prince. Les témoignages contemporains nous apprennent, il est vrai, que la tranquillité de l’empereur ne fut pas le seul mobile de cette aversion si subitement déclarée, et Théodoret nous assure qu’un certain Paul, neveu de Cyrille, répandait l’or à pleines mains sur toutes les avenues du palais. Il n’était pas absolument besoin de ces « flèches d’or » pour faire tourner des courtisans qui voyaient leur maître changé ; mais elles n’y nuisirent pas au fond. L’eunuque Scolastique, l’ancien protecteur, l’ami de Nestorius, lui écrivit des lettres d’une froideur calculée. Le préfet du prétoire Antiochus, sur qui le patriarche comptait le plus et à qui il ouvrait son cœur sans réserve, se montra plus glacial encore. Nestorius comprit tout, et, comme il était naturellement hautain, il feignit d’accepter avec une sorte de contentement une disgrâce qui n’existait pas encore. « Je ne veux être un embarras pour personne, répondit-il à Scolastique ; je n’ai jamais eu d’ambition, et tout mon désir serait de me retirer dans un monastère où je pourrais vaquer à l’étude qui a fait de tout temps le charme de ma vie. » Son langage avec Antiochus fut à peu près le même. Ces faux amis abusèrent de ses lettres pour persuader à Théodose que l’ancien favori ne souhaitait plus que les loisirs d’un exil, et ils levèrent par là les derniers scrupules que le monarque pouvait éprouver encore.