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V

La décision impériale notifiée aux évêques par le comte Jean, qui n’avait point encore quitté Ephèse, remplit de joie les deux partis. L’empereur statuait que chacune des assemblées lui enverrait huit députés pour débattre leurs griefs devant lui en présence de son conseil consistorial. Cette égalité de représentation pour des assemblées si dissemblables en nombre parut de bon augure aux Orientaux : les cyrilliens ne murmurèrent pas trop ; bien informés de ce qui se passait à Constantinople, ils savaient que ce désavantage apparent serait compensé par des influences puissantes qui travaillaient déjà pour eux. On se mit à l’œuvre aussitôt dans les deux camps pour le choix des députations. Les cyrilliens, toujours empressés de compromettre l’évêque de Rome dans leur cause, nommèrent parmi leurs députés deux des légats du pape sur trois, savoir le prêtre romain Philippe et l’évêque Arcadius ; Juvénal de Jérusalem, vice-président de leur concile, y remplaça leur chef emprisonné. La députation des Orientaux se composa de leurs plus forts théologiens, Jean d’Antioche et Théodoret en tête : ils se flattaient d’avoir une lutte théologique à soutenir. Les mandats donnés par les deux assemblées à leurs députés sont curieux en ce qu’ils nous font voir que, d’un côté surtout, les choses étaient combinées de manière à prévenir toute entente amiable. Celui des cyrilliens portait défense aux mandataires de communiquer en aucune façon avec Jean d’Antioche et les siens. Si l’empereur, ajoutaient les instructions, l’exigeait absolument, les députés ne lui obéiraient qu’à ces trois conditions : 1o  que leurs adversaires souscriraient à la déposition de Nestorius et anathématiseraient sa doctrine ; 2o  qu’ils demanderaient pardon par écrit au saint concile œcuménique (leur assemblée) de l’injure faite par eux à son président ; 3o  qu’ils se joindraient aux démarches de leurs adversaires pour obtenir la liberté des saints évêques Cyrille et Memnon. Le mandat était impératif, et, s’il n’était pas suivi de point en point, l’assemblée déclarait désavouer ses représentans et les retrancher même de sa communion. Le mandat des Orientaux était plus large et plus libéral, il laissait aux députés toute latitude pour agir ou prendre tels engagemens qu’ils jugeraient convenables soit devant l’empereur, soit dans le consistoire, dans le sénat ou ailleurs, avec promesse par l’assemblée de ratifier ce qui aurait été fait, et de souscrire toute convention synodalement. Une seule exception était posée à la plénitude de leurs pouvoirs : il leur était interdit de recevoir les anathématismes ; c’était une matière de foi qui ne donnait point lieu à