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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/289

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mot, il se remit en scène, et bien mal lui en prit. Des réclamations arrivèrent à l’empereur de divers côtés ; le pape Célestin lui-même, poussé par les catholiques d’Orient, demanda instamment à l’empereur que l’ennemi de la Vierge et de son fils, trop bien traité pour son crime, « fût retranché de la société des hommes qu’il s’obstinait à perdre, » et, non content d’employer son influence auprès de l’empereur, il exhorta tous les évêques à joindre leurs efforts aux siens. C’était plus qu’il n’en fallait sur l’esprit de Théodose, qui d’ailleurs haïssait Nestorius. Jean d’Antioche lui-même fut alarmé de ce mouvement fait autour d’un homme dont on l’accusait d’être l’ami et de tolérer les doctrines parce qu’il les partageait. En état de schisme avec Cyrille pour la querelle des anathématismes, il eut peur que l’implacable persécuteur ne l’enveloppât lui-même dans quelque trame secrète, et il demanda comme les autres l’éloignement de Nestorius. Le préfet du prétoire Isidore reçut l’ordre de faire conduire à Pétra, en Arabie, l’exilé d’Euprèpe, dont les biens furent confisqués au profit des pauvres de Constantinople ; ses anciens amis et ses partisans furent compris dans sa proscription, particulièrement le comte Irénée. Pétra, située au milieu d’une triste solitude, fréquentée seulement par des Arabes scénites, païens pour la plupart, remplissait bien la condition mentionnée dans la lettre du pape Célestin, le retranchement de la société humaine ; cependant les ennemis de Nestorius le trouvèrent encore trop près du monde, et un nouveau décret le transféra dans l’oasis d’Égypte.

On appelait de ce nom, comme on sait, un ensemble de petits espaces habitables parsemés dans l’immensité du désert libyque. Le lieu choisi pour l’exil de Nestorius portait particulièrement le nom d’Ibis. L’oasis était la prison des grands criminels d’état et des courtisans disgraciés, prison qui se gardait elle-même sans geôlier, la plupart du temps sans soldats, mais dont la sûreté était garantie par un océan de sable sans végétation, sans eau, sans routes, où le fugitif était certain de périr. Bien isolé cette fois, bien retranché des hommes, Nestorius se mit à écrire sa vie, et quelques livres de ces mémoires qui nous intéresseraient tant aujourd’hui parvinrent en Égypte et en Syrie, d’où la persécution les fit ensuite disparaître. Nous savons pourtant qu’il s’y plaignait des derniers procédés de l’empereur, qui l’avait encouragé si vivement à son début ; il s’y plaignait surtout de Cyrille, qu’il accusait d’avoir falsifié les actes d’Éphèse. Il était absorbé dans ce travail lorsqu’une troupe de nomades Blemmyes fondit tout à coup sur l’oasis d’Ibis, la pilla, et emmena prisonniers les Romains qui semblaient devoir leur procurer quelque riche rançon ; Nestorius fut du nombre. La troupe arrivait à travers les sables aux limites de la province de Thèbes quand