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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/353

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provinciales, qui, ces jours derniers, se prononçaient (la chose mérite d’être signalée) pour l’impôt sur le revenu. Il s’agit en effet avant tout dans ce pays de soulager la population rurale de l’écrasant fardeau qui pèse sur elle sous la forme de la capitation, de redevances payées à l’état et aux propriétaires, et d’autres taxes que le paysan supporte de concert avec les propriétaires fonciers, pour faire les frais des institutions administratives et judiciaires introduites depuis l’émancipation du servage. Nul doute que ce ne soit une occasion de se manifester pour les systèmes les plus radicaux, qui n’ont rien à voir d’ailleurs dans l’idée, dictée par la plus simple justice comme par l’intérêt fiscal, d’imposer les nombreuses catégories de revenus jusqu’ici exemptées ou ménagées indûment. Ceux qui ont suivi de près ou de loin, depuis une quinzaine d’années, les divers congrès économiques tenus à Bruxelles, à Gand, à Amsterdam, à Berne, à Genève, et surtout à Lausanne, où l’impôt a été l’objet d’un débat très passionné, auront été frappés de l’intérêt de vogue qui se porte vers cette question spéciale. Économistes, philanthropes, rêveurs, démocrates, révolutionnaires, semblaient s’y être donné rendez-vous. On y élaborait des projets de loi un peu fictifs, il est vrai, accompagnés toutefois des commentaires les plus instructifs pour ceux qui cherchent à se rendre compte des dispositions des partis et des inclinations des âmes, du courant des passions publiques autant que de la valeur des théories. Dans ces plans discutés avec ardeur et quelquefois soumis aux votes de ces assemblées ambulantes, on rencontre, mieux peut-être encore que dans les ouvrages qui disent les mêmes choses avec plus de préméditation et de maturité au moins dans la forme, des symptômes qu’il n’est pas permis de négliger.

Que le mouvement radical tende à entrer de plus en plus dans la phase de l’application, tout l’atteste aujourd’hui, et, ce qui n’est pas moins grave, tout démontre que ce mouvement se développera avec l’ardeur que met la démocratie à ce qu’elle entreprend. Qui n’a lu récemment le rapport publié par la minorité radicale du conseil municipal de Paris sur la situation industrielle de la capitale ? Un paragraphe y est consacré à l’impôt. Nul système, il est vrai, n’est spécifié ; mais deux observations m’y ont frappé : c’est d’abord la condamnation de toute extension des taxes existantes ; c’est ensuite la nécessité de recourir à de nouveaux impôts, et cela non-seulement pour solder l’arriéré, mais pour subvenir à tous les établissemens qu’on désire fonder en vue de l’intérêt intellectuel, moral et matériel des classes populaires. Il y a peu de témérité à pressentir quelles seraient ces taxes, quand on sait dans quel cercle tournent ces projets de réforme. Ce que s’est permis en ce genre