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dernier mot. Ainsi, on le voit, dans cet ingénieux système les contribuables traitent à forfait avec l’entreprise gouvernementale ; on leur donnera de la sécurité, de l’ordre, des routes, de l’instruction, et bien des choses encore, pour ce juste prix. Où donc les auteurs de ces systèmes ont-ils rencontré de ces gouvernemens doués de bonhomie qui se laisseraient ainsi lier étroitement les cordons de la bourse ? On les y contraindra, dit-on. C’est ce qu’il faudrait établir. Où donc sont-ils ces peuples voués à une passion exclusive d’économie qui, à l’abri de tout entraînement même utile, se résigneraient à une telle réduction des services publics, à une telle absence de moyens de parer à l’imprévu ? Est-ce la démocratie qui fournit le type de pareilles nations ? où l’a-t-on vue dans un pays fortement centralisé dédaigner les grands travaux publics ? où ne de-mande-t-elle pas un fort budget pour l’instruction populaire ? Elle se dit pacifique ; n’a-t-elle donc pas ses accès d’humeur guerrière aussi, ses soucis de dignité nationale, ses rêves ardens de propagande ? C’est la politique qui domine le problème pratique de l’impôt, et nulle règle économique tracée a priori ne suffira pour lui faire la loi. De tels expédiens ne sont que toiles d’araignée qu’on oppose à une force dont l’irrésistible violence a rompu bien d’autres obstacles.


IV

C’est de même à la thèse radicale que je m’en tiendrai en ce qui touche l’impôt unique sur le revenu. Cette thèse est fort différente de celle qui consiste à introduire l’impôt partiel sur le revenu comme une taxe nouvelle plus ou moins modelée sur les types que nous présentent surtout la Grande-Bretagne, l’Allemagne ou l’Amérique du Nord. La plupart des partisans de cette introduction en France sentent la nécessité de la restreindre dans des proportions modérées. M. H. Passy, ministre des finances, dans le projet qu’il soutint en 1849, évaluait le revenu de cette taxe à 60 millions. Une telle somme semble assez légère aujourd’hui surtout. C’est seulement la thèse de l’impôt unique sur le revenu que j’ai en vue, c’est-à-dire la prétention de suffire à un budget qui, ne le supposât-on pas de 2 milliards et demi, resterait considérable. Quand l’ancien régime avec des budgets, qui nous semblent aujourd’hui bien faibles, de 300 millions, si lourds qu’ils aient paru à nos pères, quand l’ancien régime avait l’impôt multiple, on prétendrait aujourd’hui se contenter d’un seul impôt ! On a souvent et avec raison fait observer qu’au fond toutes les taxes visent au revenu ; les impôts de consommation ne se proposent pas moins de l’atteindre que l’impôt foncier ou les taxes mobilières. L’idée qu’il serait bon, si c’était