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population, environ 1,503,000 âmes, est finnoise ; mais, comme elle est entièrement luthérienne, sauf environ 40,000 orthodoxes, l’influence suédoise est prédominante. Les habitans des villes, les nobles, le clergé, sont Suédois ; leurs regards sont donc tournés vers l’autre côté de la Baltique. Cependant leurs institutions provinciales, leur langue, leur culte, leur indépendance, ayant été jusqu’à ce jour respectés, il n’y a point de vrai mouvement séparatiste ; il ne se produirait que du moment qu’on voudrait leur imposer la civilisation russe.

Les provinces baltiques proprement dites sont l’Esthonie, la Livonie et la Courlande. En 1158, un vaisseau de Brème aborda dans ces contrées encore sauvages, et y établit un comptoir qui prit le nom de Riga. Des colons allemands vinrent s’y fixer. Un évêché fut fondé, et le troisième évêque, Albert von Appeldern, créa l’ordre des chevaliers porte-glaive qui conquit successivement les trois provinces. C’est ainsi que s’y implantèrent la civilisation germanique et plus tard la réforme. Dans l’Esthonie, la grande majorité de la population est finnoise. Sur 312,000 habitans, 25,000 seulement sont Allemands. Dans la Livonie, les paysans sont des Lettes et des Esthoniens ; en Courlande, ils sont Lettes. Les Lettes, comme les Lithuaniens, appartiennent à la race aryenne. En Livonie, sur 917,300 habitans, 94,000 sont Allemands ; en Courlande, sur 574,425, on compte 52,000 Allemands. Donc dans les trois provinces baltiques, sur une population de 1,804,425 âmes, 171,000, soit environ 10 pour 100, sont d’origine germanique ; toutefois la grande majorité, soit 1,475,000, sont protestans. Les Allemands ne se rencontrent en groupe compacte que dans les villes ; mais ils habitent les campagnes isolément, car ils sont presque les uniques propriétaires du sol qu’ils s’occupent généralement à faire valoir. Ils font un commerce actif par les ports de mer de Riga et de Revel. Ils ont aussi une université à Dorpat, qui, érigée sur le modèle de celles de l’Allemagne, entretient avec celles-ci des relations suivies. L’instruction secondaire et primaire est incomparablement plus développée que dans le reste de l’empire. Les commerçans, la bourgeoisie et les propriétaires fonciers étant Allemands, les provinces baltiques constituent des foyers de culture germanique ; mais les paysans, quoique protestans, sont Lettes et Finnois, ce qui fournit une arme aux fauteurs des questions de nationalité. Dans les traités de cession de ces provinces, il avait été stipulé que leur culte, leurs droits et tous leurs privilèges seraient respectés comme sous l’autorité suédoise, et les tsars n’avaient pas violé ces engagemens. Les pays de la Baltique conservaient donc leur autonomie communale et provinciale, et aucun esprit de sécession ne s’y était manifesté. Les Allemands se rendaient compte de leur situation ;