Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/477

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on sait d’avance que l’assemblée actuelle, à la recherche d’un subterfuge pour se perpétuer, se décidera pour le renouvellement partiel et périodique, qu’elle mettra des restrictions au droit de vote. Alors, avec une érudition merveilleuse, avec un à-propos saisissant, on refait au plus vite l’histoire du comité de la rue de Poitiers, de la loi du 31 mai 1850, et on se donne l’émotion d’avoir combattu l’attentat prémédité contre le suffrage universel. Le gouvernement, il est vrai, vient de temps à autre déclarer que tout cela n’a rien de fondé, que, rassemblée étant souveraine et étant en vacances, on n’a pu guère songer à de telles innovations politiques. Qu’importe ? le bruit est répandu : , il est commenté, il continue à se propager, même après qu’il a été démenti ; on a ravivé ou entretenu le sentiment de l’incertitude, et, c’est bien clair, on a porté ainsi un incontestable secours à l’œuvre de la régénération nationale, que le gouvernement, que la « république de M. Thiers » a le tort de n’avoir pas accomplie en quelques jours !

Autre chose encore, autre thème à déclamations et à faux bruits. Depuis plus de quatre mois, les conseils de guerre et les juges instructeurs sont occupés à la terrible liquidation des affaires de la commune. Sans ajoute il y a eu malheureusement des lenteurs et quelquefois une certaine confusion dans cet immense travail, qui est encore loin d’être terminé. N’aurait-on pas pu trouver quelque combinaison plus expéditive ou moins confuse ? C’est possible. Ce qu’on peut dire pourtant, c’est que le gouvernement s’est fait dès le premier jour un devoir de procéder jusqu’au bout avec une complète régularité, que la marche régulière de la justice entraîne nécessairement des lenteurs, et que dans tous ces procès, où l’on remue à chaque instant les plus cruels souvenirs de guerre civile, les juges militaires ont montré jusqu’ici autant de patience que d’humanité. Non certes, ce ne sont pas des juges impitoyables. Au premier abord, on devrait bien, ce semble, quelque respect à cette œuvre de justice patiente. Pas du tout, on se jette sur tous ces procès comme sur une proie. On s’arme contre le gouvernement des embarras où il s’est mis par la régularité de son action, on fait un crime à la commission parlementaire des grâces de ne s’être pas prononcée encore, comme si elle avait eu jusqu’ici le droit de se prononcer, tant que les derniers appels des condamnés n’étaient point épuisés. On bataille sur tout, on soulève les discussions les moins acceptables sur ce qu’il y a de plus sacré et de plus délicat, on met tout en cause, la conscience du juge, l’autorité des arrêts de la justice, l’usage du droit de grâce ; on s’étudie à tout confondre, et en vérité, à voir le tour que prennent certaines polémiques, on dirait que ceux qui ont à se faire pardonner, que les coupables ne sont pas les condamnés de l’insurrection, que ce sont les conseils de guerre, le gouvernement et la commission des grâces. Il est certain qu’on y mettait moins de formes après le 2 décembre 1851, et même