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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/490

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bourg, de Boulogne et de l’Elysée[1], la calomnie est rédigée en considérans, et la spoliation en articles[2].

Le duc d’Orléans, après avoir échoué dans ses efforts pour prévenir le funeste coup d’état qui devait entraîner la chute du trône de Charles X, venait de se voir porter à la lieutenance générale du royaume par le courant irrésistible de l’opinion publique. À ce moment solennel, il se donna tout entier à la France et consacra quelques heures à peine à ses affaires, qui devenaient beaucoup plus celles de ses enfans que les siennes propres. Par l’acte du 7 août, il partagea entre eux tous ses biens patrimoniaux. Son attention fut appelée sur ce sujet par un de ses conseillers privés, M. le président Amy, qui, trop soumis aux préoccupations du passé, qu’il regrettait, n’avait pu échapper entièrement à l’influence du principe de la dévolution, conséquence de la successibilité monarchique. Il insistait sur ce motif, que des esprits mal faits pouvaient soulever plus tard la question de la dévolution, bien qu’elle fût en flagrant désaccord avec les conditions de la royauté nouvelle. « Je donne sans doute, ajoutait-il, un conseil d’une prudence exagérée; mais ce qui abonde ne vicie pas, et dans tous les cas il s’agit d’un acte de bienveillance paternelle qui, en soi, ne peut trouver que des approbateurs. »

Le duc d’Orléans savait que ses propriétés privées n’étaient nullement menacées d’une dévolution à l’état, dévolution qui n’aurait pu avoir lieu qu’en conformité des principes de la monarchie légitime et de droit divin, tandis qu’il n’arrivait au trône qu’en sacrifiant ces principes dans sa personne à la volonté de la France. Le prince ne fut donc nullement touché de ce que le président Amy appelait lui-même une prudence exagérée; mais, comme père de famille, il ne fit aucune difficulté d’accepter un acte de droit commun que beaucoup accomplissent chaque jour, et qui avait du moins le mérite d’être un don généreux envers ses enfans, dispensés ainsi de tous droits à payer au moment de son décès. Aussi cette donation ne fut combattue par aucun des conseillers politiques que la

  1. Voici à ce propos une anecdote qui mérite d’être recueillie. Une personne de l’intimité de M. Léon Faucher, ministre de Louis-Napoléon en 1849, l’interrogeait un jour avec curiosité sur les opinions du prince, qu’il voyait tous les jours. « Je n’en sais pas plus long que ce que je vais vous en dire, répondit le ministre : il a conspiré contre la France sous Louis-Philippe; il conspire contre nous, il conspirera bientôt contre la république; et, quand il n’y aura plus personne contre qui il puisse conspirer, il conspirera contre lui-même. »
  2. On peut consulter à ce sujet les discours de M. Dupin dans la discussion de la loi du 2 mars 1832, où les questions de droit et de fait ont été exposées par lui avec cette netteté savante et incisive qui lui était propre. Séances des 7, 9, 10 et 13 janvier 1832 à la chambre des députés.