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donation faite le 7 août par le duc d’Orléans à ses enfans devait être considérée comme nulle, non avenue et entachée de fraude, l’état se trouvant dépouillé par elle du bénéfice du droit domanial et monarchique qui devait entraîner la dévolution à l’état de tous les biens faisant partie de cet acte.

La gravité de la question avait intimidé quelques membres du comité, qui, dans la première séance, demandèrent l’ajournement de la proposition, craignant que les questions qu’elle soulevait ne rencontrassent trop d’esprits prévenus et trop de dispositions passionnées. Voici en quels termes, le 10 octobre 1848, M. Berryer, rapporteur, rendait compte à la tribune de l’incident et de la décision du comité de passer outre : « La majorité de votre comité a pensé que le devoir et le besoin d’être juste, que le respect du droit, imposeraient silence aux ressentimens et aux passions politiques, qu’enfin dans les premiers temps de la république, en présence de théories téméraires ou coupables qui inquiètent et menacent les droits fondamentaux de la société, il fallait saisir toute occasion solennelle de poser avec calme et fermeté les principes du gouvernement de la France et les règles de modération et de justice que l’assemblée constituante veut proclamer au nom de la nation. » Après ces sages et nobles paroles, le rapporteur expose à l’assemblée l’opinion du comité des finances, et repoussa énergiquement en son nom les erreurs de droit et de fait sur lesquelles était fondée la proposition de dévolution du domaine privé au domaine de l’état. « Quand Louis XVIII monta sur le trône en vertu des lois antiques de la monarchie, le vieux droit domanial dut être aussi remis en vigueur; mais n’est-ce pas confondre et les temps, et les principes, et les conséquences légales, que d’appliquer ces maximes de l’ancien régime français au gouvernement fondé en 1830? La chambre des députés, proclamant alors, au nom du peuple, des droits inaliénables, invoquant et la nécessité des circonstances et l’intérêt momentané de la nation, constitua sur ces bases une royauté nouvelle, soumise évidemment, par son principe même, à tous les changemens de la volonté nationale. » Ainsi était écartée de notre droit politique la règle de la dévolution nécessaire des biens personnels du prince à l’état et de leur union au domaine public.

M. Berryer expose ensuite comment la loi de 1832, se conformant en cela à la logique inexorable des faits, a consacré des principes contraires à ceux de l’ancien droit; puis il continue en ces termes: « Enfin la loi de 1832 n’existât-elle pas, la donation du 7 août n’en serait pas moins un contrat librement consenti à une époque où son auteur n’était enchaîné, quant à la disposition de ses biens, par aucun lien de notre droit public. Jusqu’au jour où il a accepté le pacte révocable qui s’est formé entre lui et la chambre des députés,