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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/506

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le prince, comme propriétaire, n’était assujetti, ainsi que tous les citoyens français, qu’aux règles du droit commun. Il est monté au trône sous la foi de la validité de l’acte qu’il avait pu faire à son gré en faveur de ses enfans. Loin de rechercher dans les circonstances présentes une occasion d’annuler un tel acte, la justice, la bonne foi, la dignité nationale, doivent l’entourer d’un respect plus sévère. Désormais les donataires de la nue propriété des biens patrimoniaux de la maison d’Orléans n’en peuvent être dépossédés que par une violation manifeste du contrat; déclarer ces biens acquis à l’état, ce serait consacrer une atteinte violente au droit de propriété, ce serait prononcer une confiscation arbitraire. La confiscation est rayée de nos codes, elle ne doit plus y reparaître. Le principe de la confiscation est contraire aux règles fondamentales de notre législation. Confisquer, ce n’est point infliger une peine personnelle, c’est frapper la descendance d’un châtiment immérité. Rétablie sous le faux prétexte de la raison d’état et de l’intérêt politique, la confiscation ne sera pour l’ordre et la paix publique qu’une vaine et funeste ressource. Toute iniquité se trahit elle-même; le temps combat pour les droits violés, et l’expérience des révolutions nous doit enseigner qu’on ne saurait sauver ni le pouvoir ni la liberté par l’injustice. Qu’il s’agisse d’un monarque ou d’un simple particulier, que la spoliation atteigne des palais ou des chaumières, de modestes champs ou de vastes domaines, il n’importe; le mal est le même, et ce mal est contagieux. En nos jours plus qu’en aucun autre temps, l’envahissement de la propriété, l’oubli des droits, le mépris des contrats, seraient des exemples pleins de périls pour la sécurité de toutes les conditions sociales, et tout gouvernement doit être convaincu que sa dignité, sa force, son influence sur les intérêts de tous, seront jugées et mesurées dans l’esprit des peuples par le respect qu’il saura garder pour le droit, la justice et l’honnêteté publique. »

Lorsque, dans ces éloquentes paroles, M. Berryer exposait les divers motifs par lesquels le comité des finances avait rejeté la proposition de M. Jules Favre, lorsqu’il lui substituait, au nom du comité, un projet (le décret qui était la reconnaissance explicite du droit de propriété nié par elle, il répondait si bien au sentiment de l’assemblée nationale, qu’il ne s’y éleva pas une seule voix pour le combattre. Arrêtons-nous ici un moment pour apprécier toute la portée historique et morale du vote par lequel l’assemblée nationale de 1848 repoussait unanimement la proposition qui lui était faite de considérer cette donation comme une fraude et de déclarer en conséquence acquis au domaine de l’état tous les biens dont elle avait disposé.

C’était bien là en principe la pensée tout entière des décrets à