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venirs d’un des plus anciens membres des assemblées impériales, dont on se plaît à reconnaître le cœur droit et l’esprit distingué. Rapprochez-les, et vous y reconnaîtrez les traces douloureuses de cette fatale maladie qu’on appelle l’abstention politique. Que de mal elle fait aujourd’hui à la société, qui se voit abandonnée, à Lyon, à Marseille et sur une foule d’autres points, par des milliers de conservateurs abdiquant leur mission de citoyens ! Que de mal elle fit alors à l’ordre moral, le seul vraiment durable, le seul vraiment digne du culte des âmes élevées! Cette déplorable abstention, pratiquée par ceux-là mêmes qui, dans les pouvoirs publics, réprouvaient une politique sans principes, ne saurait décliner sa part de responsabilité dans le succès momentané de cette politique et dans les cruelles conséquences qu’elle devait entraîner. C’est grâce à elle que l’auteur du décret de confiscation de 1852 put accomplir, malgré le sentiment public, son entreprise antisociale contre le droit de propriété, qu’il sacrifiait à son animosité dynastique et personnelle contre la famille d’Orléans. C’est elle encore qui l’encourageait à compléter son œuvre de haine par des persécutions où se manifestait à chaque moment le véritable esprit du décret de prétendue revendication de 1852. Ainsi l’empereur opposa une résistance invincible à l’exécution d’une touchante et charitable pensée du testament de la sœur du roi. La princesse avait légué à ses neveux et nièces un hospice qu’elle avait fondé au faubourg Saint-Antoine, sous le nom d’hospice d’Enghien, avec la recommandation d’en faire un établissement public, sous la réserve qu’ils en resteraient les administrateurs et qu’ils nommeraient aux lits vacans. Les princes héritiers, qui malgré la spoliation de 1852 avaient continué à entretenir l’hospice sans y rien changer, voulurent faire davantage : ils eurent la noble pensée de consacrer une partie du reste de leur fortune à l’exécution complète de la volonté de leur tante vénérée. Le mandataire des princes s’entendit d’abord sur tous les points avec l’administration de l’assistance publique, heureuse de voir admettre au nombre des établissemens reconnus par l’état un hospice admirablement situé, au milieu d’une population pauvre, et largement doté. Quand la négociation, qui avait été si facile dans la région de la charité, fut portée dans celles de la politique, elle devint pénible, pleine de difficultés, bientôt impossible. On acceptait l’établissement et, bien entendu, la dotation, mais à la condition qu’aucun lit ne resterait à la nomination des princes d’Orléans. Cette condition était inacceptable, elle fut refusée. Le gouvernement songea un instant à prendre l’offensive et à annexer l’hospice d’Enghien aux établissemens de l’état; mais l’énormité de cette confiscation, s’adressant cette fois à une pensée, à une œuvre de charité, le fit hésiter. Grâce à des intelligences avec l’administra-