Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/528

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion de l’assistance publique elle-même, on gagna du temps, les destinées de l’empire s’accomplirent, et le mal se réduisit à priver un des faubourgs de Paris d’une précieuse fondation. Le testament de Mme Adélaïde n’eut pas son exécution complète, mais il ne fut pas brisé, et les princes maintinrent l’hospice d’Enghien dans les conditions où ils l’avaient reçu.

Dans le même temps, l’empereur fit présenter au corps législatif un projet de loi qui n’offre qu’une contradiction apparente avec ce qui précède, et qui porte une fois de plus la lumière sur la moralité de l’attentat du 22 janvier. Ce projet démontre en effet que le jurisconsulte de 1852 ne se faisait aucune illusion sur la valeur légale des considérans de son décret, que la pensée spoliatrice qui les avait dictés visait uniquement les princes d’Orléans, et n’y faisait figurer que pour la forme les branches étrangères héritières du roi Louis-Philippe. Ce projet de loi avait pour objet l’inscription au grand-livre de la dette publique de trois rentes de 200,000 francs chacune au nom des trois branches belge et allemandes, pour leur tenir lieu de la portion qui leur avait été constituée en dot dans les biens faisant partie de la donation du 7 août. Était-ce une ombre de remords? Qui pourrait le croire après ce qui avait précédé et ce qui a suivi? Non, on voulait avant tout éteindre des réclamations qui pouvaient, d’un moment à l’autre, donner lieu à des difficultés diplomatiques. Et puis, qui sait? ne pouvait-on faire naître ainsi quelques dissentimens dans une famille dont l’union portait ombrage? Encore une petite conspiration! Celle-là du moins n’eut aucun succès, et la différence des situations n’apporta aucun trouble dans les sentimens. J’avais été chargé par les princes d’Orléans de remettre au président du corps législatif une protestation contre le mot de bienveillance employé dans l’exposé des motifs, qui reproduisait implicitement l’injure faite à la mémoire de leur père par le décret du 22 janvier. Cette remise fut pour moi l’occasion d’un longue conversation avec M. de Morny, tout empreinte de la cordialité de nos anciennes relations; elle m’a permis d’entrevoir par plus d’une ouverture le caractère, les procédés et même certains projets de Napoléon III, notamment sur la Belgique; mais ce n’est pas ici la place de souvenirs que l’on connaîtra un jour, et je me bornerai à rappeler les paroles suivantes, qui avaient le rapport le plus direct avec l’objet de ma visite : « Que voulez-vous? me dit-il, les princes d’Orléans empêchent l’empereur de dormir, et je m’étonne que vous ayez cru le décret de 1852 fait pour d’autres que pour eux. »

Presque au même moment M. le comte de Montalembert, représentant du département du Doubs, où il était forcément retenu, avait envoyé par écrit au président du corps législatif les observa-