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puissent être ces publications, sous quelque forme qu’elles se produisent : livres, journaux, brochures, vous devez procéder sur-le-champ à une saisie administrative, m’en référer immédiatement et attendre mes instructions. »

Le gouvernement était dès lors informé de la prochaine publication d’une histoire des princes de Condé pendant les XVIe et XVIIe siècles. En effet, M. le duc d’Aumale était en possession des précieuses archives de la maison de Condé; il lui avait paru qu’elles ne pouvaient rester exclusivement sa propriété, que la France avait le droit de connaître tout ce qui concernait une famille qui a tant contribué à sa gloire, et qu’une histoire des princes de Condé par un écrivain français ne pouvait s’imprimer qu’en France. Cette pensée était, à ce qu’il semble, un danger pour le gouvernement impérial, car, après avoir laissé imprimer 4,000 exemplaires du 1er volume et plusieurs feuilles du second, il les fit saisir et transporter à la préfecture de police le 19 janvier 1863. Nous n’avons pas besoin de dire que M. le duc d’Aumale et son éditeur s’adressèrent à la justice pour avoir raison de cette incroyable confiscation, opérée au nom de la raison d’état. Toutes les juridictions furent successivement invoquées à tous les degrés par l’éloquente parole de deux éminens avocats, MM. Dufaure et Hébert. Partout, pendant plusieurs années, on opposa aux appels du droit la barrière des incompétences et des questions préjudicielles; enfin, au bout de plus de six années, la question de propriété revint au tribunal civil de la Seine avec toute sa clarté dégagée des ombres administratives. Devançant un jugement inévitable sur lequel la conscience des juges ne laissait aucun doute, l’administration s’inclina, et la raison d’état s’avoua vaincue.

Il n’en était pas de même pour les résidences et les biens confisqués. Loin de là, le génie de la confiscation, irrité par la résistance, n’en continuait que plus activement son œuvre de destruction du patrimoine de la maison d’Orléans. Dès 1852, il lui avait donné une large préface en ordonnant dans le délai d’un an la vente forcée des propriétés personnelles des princes non comprises dans la donation du 7 août, ajoutant ainsi au produit des ventes futures la spoliation supplémentaire représentée par les droits d’enregistrement. Puis, reprenant l’œuvre interrompue des émeutiers du 24 février, le gouvernement impérial se mit à dépecer le beau parc de Neuilly, créé à grands frais et avec un soin paternel par le roi Louis-Philippe autour de sa résidence favorite. C’est un triste tableau que celui de ces ruines accumulées pour satisfaire les plus mauvais penchans du cœur humain et rassurer des intérêts dynastiques. Sans doute, c’est bien peu de chose auprès du lamentable et douloureux spectacle de tant d’autres ruines; mais le plus grave attentat