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place en effet les gouvernemens dans l’alternative soit de considérer les concordats comme annulés de plein droit, soit de n’admettre au bénéfice de ces concordats que les catholiques demeurés fidèles à l’ancienne constitution ecclésiastique. Dans ce dernier cas, ce sont lis vieux catholiques qui pourraient seuls prétendre à l’occupation des évêchés, des prébendes, à la jouissance des traitemens, à l’administration des biens de l’église.

Ainsi s’expliquent la ténacité des deux partis, l’ardeur avec laquelle ils s’anathématisent réciproquement. Depuis six mois, chaque jour apporte aux vieux catholiques le concours de nouveaux prosélytes; les corps savans, les universités, des prêtres même, ont envoyé des adresses d’adhésion au chanoine de Dœllinger, le chef reconnu des opposans, ou, comme on se plaît à le nommer, le « Nestor de la théologie allemande. » Tous les protestans allemands, tout ce nombreux public de confessions diverses qui reçoit son inspiration des universités, tous appuient chaleureusement le mouvement anti-infaillibiliste. Dans la plupart des grandes villes, Bonn, Würzbourg, Graz, Vienne, Pesth, Prague, Coblenz, Cologne, Breslau, Munster, Kempten, des « comités d’agitation » se sont spontanément institués, organisant des meetings populaires ou des démonstrations publiques, et répondant par la presse, par d’innombrables brochures, aux foudres de l’église. Lors de la mort du docteur Zenger, professeur de l’université de Munich et l’un des chauds partisans de Dœllinger, la capitale de la Bavière a été le théâtre d’une manifestation imposante. L’église romaine ayant refusé au professeur Zenger les sacremens, ils lui furent administrés par un prêtre excommunié, le professeur Friedrich, et l’ensevelissement, fait par les soins de l’université, s’accomplit au milieu d’un concours de 20,000 personnes. A Passau, l’attitude des autorités civiles envers le clergé a conduit l’évêque à des actes qui n’étaient guère d’accord avec sa dignité et son caractère sacerdotal. On l’a vu, le 3 septembre, poursuivre en plein jour et sur la voie publique le président de la Basse-Bavière, M. Lipowski, et l’accabler d’invectives. Peu de jours auparavant, ce prélat, dans sa colère contre le conseil municipal, comparait en chaire la ville même à Sodome. A Munich également, le conseil municipal a manifesté ses sentimens anti-romains en mettant à la disposition des prêtres qui se séparent de Rome une église appartenant à la ville. Dans beaucoup de petites localités, il en est de même. L’épisode le plus saillant de ces nombreux actes de séparation a été offert par la paroisse de Mering, petite ville près de Munich. Cette communauté, curé en tête, n’a pas craint d’afficher son indépendance en rompant solennellement avec l’évêque d’Augsbourg, son supérieur ecclésiastique. Sous