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flit religieux. Sur le sol allemand au contraire, le parti romain se montre bien moins éloigné qu’on ne le suppose de tout compromis avec la couronne impériale. A cet égard, toutes les éventualités sont possibles. Si d’une part le prince-chancelier excelle à dissimuler ses desseins sous les dehors de la franchise, d’un autre côté la diplomatie romaine n’est guère plus pénétrable. De plus à Rome, ni à Berlin, on ne semble arrêté par des scrupules exagérés; des alliances ou des compromis qui effraieraient des esprits timorés n’y sont pas des obstacles insurmontables.

Ainsi l’une des causes qui éloignent du parti ultramontain les classes éclairées de quelques régions de l’Allemagne, c’est l’alliance publique acceptée par lui avec les démocrates radicaux, lesquels se confondent, ici comme ailleurs, avec les socialistes. Cette alliance a été cimentée au grand jour dans le duché de Bade sous le nom de ligue de réforme électorale. Dans une assemblée tenue à Bruchsal le 9 mai 1869, les deux partis ont d’un commun accord déclaré la guerre à « l’état moderne issu du libéralisme. » Lors de la dernière réunion des catholiques romains à Mayence, un des orateurs du parti attribuait le 18 mars de Paris aux idées modernes; et, pour compléter la pensée, l’évêque de Mayence, baron de Ketteler, ajoutait que, si les socialistes étaient des aveugles, toutes leurs erreurs provenaient des classes bourgeoises.

La même alliance politique se retrouve en Hongrie et en Suisse. Viola, ancien chef des socialistes de Pesth, est aujourd’hui président d’un « casino » catholique à Presbourg ; Szilàgyi, député radical, siégeait dans le congrès catholique du 9 mars dernier à Pesth, à la tête de la majorité ultramontaine, à côté du prince-primat Simor et de l’archevêque de Calocsa. A Genève, le parti radical et le parti catholique votent ensemble; Mgr Mermillod, auxiliaire du siège de cette ville et évêque d’Hébron, a souvent traité dans ses sermons la question sociale, et démontré que, pour les ouvriers comme pour l’église, l’idéal consistait en un retour au moyen âge. « Dans ces âges de foi, disait l’aspirant cardinal, une hiérarchie universelle, une coordination des forces, une solidarité générale, unissaient tous les membres de la société ; l’ouvrier avait sa place et son honneur ! » En Bavière, Joerg, le chef des ultramontains à la chambre des communes, se montre constamment plein d’une indulgence évangélique pour les socialistes, réservant ses colères pour les classes éclairées. Pour justifier cette conduite, les journaux du parti déclarent ouvertement que, s’apprêtant à une lutte à mort contre l’état moderne, païen, hégélien et libéral, l’église ne fait là qu’obéir à la loi de conservation. Ainsi agit, nous le savons trop, le parti socialiste, et tous deux, le parti catholique et le parti socialiste, se réunissent