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pour demander l’extension du suffrage universel à toutes les opérations politiques. Frappé de cette communauté de but, de voies et de moyens dans les deux partis, le public en Allemagne les appelle l’Internationale rouge et l’Internationale noire. Au fond, la conduite de M. de Bismarck n’est guère différente : le radicalisme ne l’effraie point, il a trouvé à la commune « un grain de raison; » il ne manifeste pas non plus grand éloignement pour le vote de la multitude. Le 9 avril 1866, il réclamait devant la diète l’introduction du suffrage universel pour les élections fédérales ; « la Prusse féodale, disait à cette occasion M. Klaczko, tend la main à la démocratie[1]. »

Tels sont les deux partenaires entre lesquels va se jouer le sort du nouveau dogme, et avec lui celui de l’église, sur le sol allemand. Peut-on, d’après leur attitude ou leurs évolutions passées, juger des directions qu’ils vont prendre dans ce débat ?

Et d’abord, malgré l’hostilité récente du gouvernement prussien à son égard, le parti ultramontain ne paraît aucunement désespérer du succès. Il est fortement organisé et représente environ 10 millions d’Allemands[2]. Aux dernières élections partielles pour le Reichstag, il a fait passer ses candidats en Silésie et sur les bords du Rhin, à l’heure même où il remportait également une victoire électorale dans les pays cisleithans de l’Autriche. Les ultramontains relèvent avec complaisance les déclarations de M. de Bismarck, membre de sociétés évangéliques, lequel a répété à diverses reprises qu’il estimait les jésuites, qu’il avait appris à les connaître, et qu’ils étaient gens avec qui l’on pouvait s’entendre. A coup sûr, en cas de danger sérieux, ces derniers feraient promptement la part du feu; ils laisseraient passer les réformes législatives qu’ils ne pourraient empêcher, et renonceraient à une opposition radicale pour éviter une rupture définitive. « Les catholiques, écrivait déjà en septembre 1870 un de leurs députés, entrent avec loyauté dans le nouvel empire unitaire, destiné dans l’avenir à se transformer. en un état unique. » Dès la première partie de la campagne contre la France, ils ont, suivant leurs propres expressions, « tendu la main » à leurs adversaires, «Nous le répétons, disaient-ils, la paix peut aisément s’obtenir avec nous. Nous ne formons pas un parti antinational; c’est une calomnie de nous représenter

  1. Voyez la Revue du 1er octobre 1868, p. 542.
  2. En 1855, on comptait en Allemagne 1,607 maisons religieuses comprenant 19,562 individus des deux sexes : à ce nombre s’ajoutait celui de 30,340 prêtres réguliers, c’est-à-dire environ 50,000 personnes sous la dépendance immédiate de l’autorité ecclésiastique. Le royaume de Prusse comprend 7,880,000 catholiques, la Bavière 3,176,400, le duché de Bade 933,470, le Wurtemberg 553,700.