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à aspirer l’air dans leurs poumons rudimentaires, ces êtres à contours à demi ébauchés, à structure ambiguë, points de départ vagues et flottans des groupes auxquels ils ont donné lieu, offriraient à l’étude un immense attrait, si l’on retrouvait jamais, avec les pièces de leur squelette, l’empreinte de leurs parties molles ; mais quelque merveilleuses que soient les perspectives dont l’avenir garde le secret, il faut pourtant se résigner d’avance à ignorer ce qui est relatif aux commencemens mêmes de la vie. Non-seulement les eaux douces n’ont donné lieu à aucun dépôt important à la surface des plus anciennes terres fermes, non-seulement le régime des courans d’alors a été contraire à la formation de lits renfermant des débris fossiles, mais ces régions primitives ont dû rester longtemps désertes à l’intérieur. La vie terrestre, sortie peu à peu du sein de l’eau, a dû se fixer en premier lieu non loin de ses rives ; elle a habité d’abord d’une façon exclusive certaines plages humides ou fréquemment inondées. À la surface du sol, de même qu’au fond des mers, la vie a été d’abord localisée ; partie d’un ou de plusieurs centres, elle a pris possession peu à peu de la totalité du domaine qui lui était dévolu. La zone littorale, agrandie par des émersions répétées, est justement celle où les plantes de l’époque carbonifère, s’accumulant au fond des lagunes qu’elles avaient envahies, donnèrent lieu aux lits de houille. La disposition de ces dépôts en une série de bassins disséminés sur le pourtour des anciennes régions insulaires a frappé les observateurs. Il semble donc avéré que la végétation s’est irradiée en partant comme d’un berceau avant de recouvrir tout le globe.

Il existe dans la marche et le mode d’évolution originaires des deux règnes une remarquable correspondance. Les premiers végétaux terrestres et les premiers vestiges d’animaux à respiration aérienne se montrent presque en même temps, et de même qu’il a dû exister des reptiles antérieurs à ceux du terrain carbonifère et des insectes plus anciens que ceux du terrain dévonien, on peut croire que les plantes dévoniennes, si peu éloignées de celles du temps des houilles, ne sont pas réellement les premières. L’organisation déjà complexe du règne végétal lors de son début apparent à la surface du sol fait présumer l’existence d’une période encore inconnue de végétaux terrestres beaucoup plus simples que les fougères, les lépidodendrées et les sigillaires. Lorsque les pluies étaient pour ainsi dire perpétuelles à la surface, lorsque la chaleur encore sensible des eaux provoquait une évaporation incessante, des végétaux d’une structure élémentaire ont dû couvrir le sol. Ces plantes primitives vivaient sans doute à la façon des algues que la marée ne délaisse que pour les recouvrir de nouveau ; comme celles-ci, elles demeuraient plongées dans un bain à peine interrompu. C’est à la