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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/624

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de ces corporations ouvrières, auxquelles on accordait une antiquité si respectable, il existait des confréries religieuses appelées des sodalités, qu’on croyait plus anciennes encore. Elles étaient affectées au service d’un dieu, et se réunissaient dans son temple. Le prêtre de la société (flamen) immolait la victime, les confrères la mangeaient, et le repas commun était la grande affaire des associés. Toutes les fois qu’un culte étranger était introduit dans Rome, ou même simplement quand un temple était bâti, on se hâtait d’instituer une sodalité qui devait fêter le nouveau dieu ou se charger du service du temple.

Ces associations ou, comme on les appelait, ces collèges se multiplièrent sans être inquiétés par l’autorité. Tant que la république fut florissante, il ne semble pas qu’aucune entrave sérieuse ait été mise au droit de s’associer. La loi se contentait d’en prévenir les excès; elle défendait les réunions nocturnes ou clandestines qui pouvaient nuire à la sécurité publique, mais elle permettait les autres. Le peuple usa longtemps avec modération de cette faculté qu’on lui donnait de se réunir; c’est seulement vers la fin du VIIe siècle qu’il en abusa. Des sociétés politiques se formèrent alors sous le nom de collegia sodalicia ou compitalicia pour influer sur les élections ou exciter des mouvemens populaires, et l’abus, comme il arrive toujours, amena la perte du droit. Les associations entrèrent avec l’empire sous un régime nouveau. César et plus tard Auguste supprimèrent tous les collèges qui leur semblaient dangereux; ils ne laissèrent subsister que les plus innocens ou ceux que leur antiquité rendait vénérables, et il fut établi qu’à l’avenir on n’en pourrait plus instituer de nouveaux sans une autorisation spéciale. Ces autorisations n’étaient pas accordées sans peine. Comme la paix intérieure que les césars donnaient à Rome et au monde était leur principale raison d’exister, ils voulaient la maintenir à tout prix. Pleins d’une juste méfiance pour cette multitude affamée et cosmopolite qui allait se cacher dans les quartiers obscurs des grandes villes, ils étaient décidés à lui enlever d’avance tout moyen de s’organiser. Les princes les plus sages et les plus fermes, ceux qui tenaient le plus à la bonne administration de l’empire, étaient ceux aussi qui surveillaient le plus sévèrement les anciennes associations et qui permettaient le moins d’en établir de nouvelles. Pendant que Pline gouvernait la Bithynie, il demanda l’autorisation à Trajan de fonder à Nicomédie un collège de 150 ouvriers charpentiers (collegium fabrorum) qui serait chargé d’éteindre les incendies; l’empereur refusa. « N’oublions pas, lui écrivait-il, combien cette province et surtout cette ville ont été troublées par des sociétés de ce genre. Quelque nom qu’on leur donne, pour quelque motif qu’ils soient institués, ils ne tarderont pas, quand ils seront réunis, à