loge des bouchers, des boulangers et des charcutiers, et dire qu’à leur façon « ils servaient la patrie. »
Les corporations ouvrières de l’empire romain font songer à celles qui ont existé si longtemps chez nous et que la révolution a détruites. Les nôtres étaient des corps privilégiés qui avaient pour unique dessein de protéger une industrie, mais qui, par les impôts qu’elles levaient sur les artisans et les règlement étroits qu’elles leur imposaient, finirent par devenir très contraires à la liberté du travail qu’elles devaient défendre. Celles de Rome s’occupaient beaucoup aussi de leurs intérêts communs; on songeait en s’unissant à prémunir le métier qu’on exerçait contre les empiétemens des métiers rivaux et les exigences du fisc : où l’individu isolé eût été écrasé, l’association résistait. Quand elle se croyait lésée, elle se plaignait aux magistrats de la province où elle résidait. Quelquefois elle s’adressait directement à l’empereur lui-même. Pendant que Strabon était à Corinthe, il vit partir les députés d’une corporation de pêcheurs qui s’en allaient à Rome pour obtenir d’Auguste une diminution de tailles. Ce qui rendait ces pauvres gens si audacieux, c’était la force que donne l’association. A Rome, comme chez nous, le désir d’être plus forts était une des principales raisons qui engageaient les ouvriers à s’associer. Il faut pourtant remarquer que les corporations romaines, surtout dans les premiers temps de l’empire, n’étaient pas aussi spéciales, aussi exclusives, aussi rigoureusement fermées que les nôtres. Quoique le titre qu’elles portent désigne une profession particulière, il s’en faut de beaucoup que tous les gens qui la composent exercent le même métier. Sans parler des membres honoraires auxquels on demandait seulement d’être riches et généreux, et de ceux qui se glissaient dans des corporations auxquelles ils étaient étrangers pour participer aux privilèges dont elles jouissaient, les inscriptions nous montrent que parmi les membres actifs (corporati) il y en avait dont la profession ne répondait guère au nom que portait le collège, et qui ne se cachent pas pour le dire, ce qui prouve qu’on ne songeait pas à s’en étonner. A Lyon surtout, le mélange se fait de la façon la plus étrange. Nous voyons par exemple qu’un fabricant de toiles (lintearius) fait partie du collège des marchands d’outrés (utricularii), et qu’un marchand de salaisons est à la fois naute du Rhône et membre actif du collège des entrepreneurs de bâtisse. On doit en conclure que ces fabri, ces nautœ, ces utricularii ne formaient pas des corporations bien exclusives. Si leur seul motif de se réunir avait été l’exercice ou la protection d’une industrie commune, ils n’auraient pas admis parmi eux des gens qui exerçaient des professions différentes. Ils avaient donc un autre dessein, et il faut bien admettre que, même dans les corporations ouvrières, on s’associait avant tout