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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/630

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qui ne possède son théâtre, son amphithéâtre et son cirque. Les artistes qui paraissaient dans les jeux publics étaient donc très nombreux; beaucoup aussi étaient nomades : ils parcouraient tour à tour les provinces et les villes qui les appelaient, et d’ordinaire ils n’y restaient pas assez longtemps pour s’y créer des relations ou des appuis. Ils furent donc amenés à s’associer entre eux. Les acteurs comiques ou tragiques, les pantomimes, les musiciens, les athlètes, les cochers, se réunirent dans des corporations qui devinrent quelquefois très riches, et qu’on voit élever des monumens à la gloire des empereurs ou décerner des statues à des artistes en renom. Une inscription très curieuse nous montre des gladiateurs en retraite et en exercice associés, dans un collège qui porte le nom du dieu Silvain, sous la présidence d’un affranchi impérial. Ils célèbrent Commode, qui, comme on sait, faisait grand honneur à leur profession, et ne dédaignait pas de se mesurer avec eux dans l’arène. « Tant qu’il vivra, s’écrient-ils, la troupe sera heureuse, » salvo Commodo, felix familia !

Quelquefois les associations n’avaient pas d’autre raison de se former que le voisinage. En ce temps où la vie municipale avait tant de force, être voisin était bien plus un lien qu’aujourd’hui. « Le voisinage, dit un des personnages de Térence, est le degré inférieur de l’amitié. » Des collèges s’établissaient souvent entre ceux qui habitaient le même quartier et qui avaient coutume de se voir. C’est ainsi qu’était né sous la république celui des gens du capitole (collegium capitolinorum) ; ils ne sont pas rares non plus sous l’empire. Beaucoup de ceux qui portent alors le nom d’un temple se composaient de personnes dont la demeure était proche, et qui avaient plus de confiance dans ce dieu parce qu’il était leur voisin. C’était non pas seulement dans les mêmes quartiers qu’on s’associait, mais dans les mêmes maisons. On sait quel monde de cliens, d’affranchis, d’esclaves, se groupait autour des grandes familles; des associations s’établissaient naturellement dans cette foule. Le palais impérial ressemblait à une ville; il devait, comme les villes, contenir des collèges de toute sorte. La mention en est assez fréquente dans les recueils d’inscriptions : c’est ainsi, par exemple, que nous voyons un cuisinier en chef de l’empereur et sa femme faire un legs au collège des cuisiniers qui réside au Palatin. Les maisons des riches prenaient modèle sur celle du prince. Il n’était pas rare de voir des hommes généreux, souvent aussi des femmes, instituer chez eux des collèges et les doter. Presque toujours ces collèges réunissaient les esclaves et les affranchis de la maison, auxquels les maîtres étaient bien aises de donner quelques distractions pendant leur vie et une tombe après leur mort. Ils se composaient quelquefois aussi d’hommes libres, cliens ou amis, auxquels un homme important