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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/642

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loi ne nous était pas entièrement inconnue; Marcianus la mentionne dans le Digeste, mais la citation qu’il en fait est si vague et si incomplète qu’elle avait été fort peu comprise. Aujourd’hui, grâce aux adorateurs de Diane et d’Antinoüs, nous en avons le texte précis, nous en possédons les termes mêmes, et nous pouvons en apprécier l’importance. Nous savons qu’au Ier siècle il fut permis dans Rome à tous ceux qui le souhaitaient de se former en sociétés funéraires, qu’au siècle suivant Septime Sévère étendit cette permission aux provinces. C’était une grande faveur, si on la rapproche de toutes les restrictions et de tous les obstacles qu’on avait mis jusqu’à Trajan au droit d’association et qui jusqu’à Justinien restèrent dans les codes. Tandis que les jurisconsultes proclament qu’on ne peut pas s’associer sans une autorisation spéciale et qu’ils affirment que cette autorisation est très rarement donnée, les empereurs l’accordent d’un seul coup à tous les affranchis, à tous les esclaves, à tous les pauvres gens de l’empire, c’est-à-dire à tous ceux à qui nous serions le plus tentés de la refuser. Au moment où les autres corporations ont besoin de tant de formalités pour être approuvées, il suffit à ces pauvres gens de dire qu’ils veulent former un collège funéraire, et personne ne les empêche de se réunir une fois par mois, de se choisir des chefs, d’avoir une caisse commune. On aurait peine à comprendre comment l’autorité impériale se montre à la fois si sévère et si facile, si l’on ne connaissait sa politique ordinaire. Pleine de méfiance pour les classes éclairées qu’elle soupçonne toujours de nourrir au fond du cœur des regrets importuns et d’entretenir des espérances coupables, elle ne sait rien refuser à tous ces misérables qui ne demandent qu’à vivre et à qui toutes les formes de gouvernement sont indifférentes. En réalité, le bienfait accordé par les empereurs devait s’étendre beaucoup plus loin qu’ils ne l’auraient voulu. La loi faite pour les pauvres gens profitait à tout le monde; tous les collèges avaient le droit d’exister en se faisant passer pour des collèges funéraires. Le moyen était très simple, et sans doute ils n’ont pas manqué de s’en servir. Nous pouvons donc admettre sans témérité que, parmi ceux qui ne paraissent fondés que pour donner la sépulture à leurs membres, beaucoup avaient un autre but; c’est ainsi que par un détour le droit d’association fut à peu près émancipé au Ier siècle.

Cette loi eut des conséquences importantes et imprévues. Dans les sociétés qui faisaient construire les columbaria, les fonds se versaient en une fois; le monument achevé, l’association pouvait à la rigueur se dissoudre, ou, si elle continuait d’exister pour veiller à l’entretien des tombes, sa vie devait être assez languissante. Les collèges nouveaux, au contraire, avaient une raison d’exister toujours; la nécessité de se rassembler tous les mois assurait leur per-