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formé qu’une très rare exception. Il en resterait plus de traces, si elles avaient été nombreuses. Sur le fronton des scholœ, dans les lois des collèges, sur les tombes de leurs protecteurs, au bas des statues qu’on leur élève, quelque part enfin, il serait question de malades secourus, de pauvres assistés; parmi tant de gens qui énumèrent le bien qu’ils leur ont fait et qui s’en font gloire, il s’en trouverait qui ne manqueraient pas de nous dire qu’ils ont laissé des fonds pour faire vivre les indigens, pour subvenir aux besoins des veuves et des orphelins. Puisque cette mention n’existe nulle part, on en peut conclure que les libéralités de ce genre n’étaient pas ordinaires dans les associations romaines, et qu’au moins d’une manière fixe et régulière elles n’ont jamais été des sociétés de secours mutuels.

Cette conclusion est importante; elle aide à marquer la différence qui sépare les collèges qu’on vient d’étudier d’autres associations qui grandissaient autour d’eux et à qui appartenait l’avenir. L’époque où les sociétés funéraires ont pris tant d’extension est précisément celle où le christianisme commençait dans l’ombre la conquête de l’empire. Comme on marchait des deux côtés dans la même route et qu’on se recrutait dans le même milieu, il était difficile qu’on n’arrivât pas à se rencontrer; entre des sociétés si semblables et si voisines, des communications ont dû s’établir de bonne heure. S’il n’est pas aisé d’indiquer sûrement quel fut le caractère et l’importance de leurs rapports, il est tout à fait impossible d’en nier l’existence. L’illustre explorateur des catacombes, M. de Rossi, qui n’est pas suspect de faire des concessions aux ennemis du christianisme, reconnaît que les premiers chrétiens ont dû profiter avec empressement de la tolérance accordée aux collèges funéraires. C’était pour eux un moyen si simple de désarmer la loi et de protéger leurs tombes qu’ils ne devaient pas hésiter à s’en servir; mais, pour être confondus avec les collèges funéraires et jouir des mêmes privilèges, il fallait chercher à leur ressembler. Les ressemblances sont en effet très nombreuses entre les associations des deux cultes. Les chrétiens aussi possèdent une caisse commune formée par les contributions des fidèles, et ces contributions s’y paient tous les mois; ils n’ont pas moins de souci de la sépulture de leurs morts, et l’église a dû dépenser une grande partie de ses revenus à construire ses immenses cimetières. Des deux côtés, le respect religieux de la hiérarchie sociale se mêle à un grand esprit d’égalité; les morts de toute condition sont confondus dans les columbaria comme dans les catacombes. C’est le suffrage de tous qui nomme les chefs, et il va quelquefois chercher le plus humble pour le mettre à la première place. Au moment où de pauvres affranchis arrivent aux dignités les plus élevées des collèges, un ancien es-